L’X 2523 clôt, sans doute provisoirement, un ensemble de
réflexions à propos de Kafka (voir Poezibao 12
mai, 27
juin et 10
juillet).
X 2523
14. 04. 09
Kafka, Préparatifs de mariage ( p. 335 de l’édition allemande).
En évoquant la psychanalyse,
Kafka recourt, comme il le fait régulièrement, à une représentation bien
établie ; sa discussion méthodique et désillusionnée peut le soutenir dans sa
recherche du vrai. Il ne critique pas le système de la psychanalyse, il n’y
adhère pas ; il s’y réfère, au sens propre. Aussi compose-t-il un traité en
miniature, une nouvelle réduction. On retiendra d’abord de cette vision
nouvelle que les difficultés que rencontrent les gens dans leur existence
doiventen effet être considérées comme
des maladies, mais sans que l’on accepte pour autant la contre-partie
thérapeutique, que Kafka exclut comme une “erreur”. Le cas pour lui est plus
grave. Il faut y reconnaître dans le mal l’effet de circonstances qui sont
liées à une croyance, infiltrée dans la représentation des gens comme une
seconde “nature”. Kafka ajoute quecela
n’a rien qui doive surprendre les analystes freudiens ; ne considèrent-ils pas
la foi religieuse comme une maladie ? On peut aussi bien en sens opposé voir
dans les problèmes et les blocages de la vie des éléments hérités de croyances
héritées, bien implantés dans l’organisme.
On s’expliquerait mieux ainsi
la solidité du mal. Il existe un “sol”, où il s’est formé ; il est appelé
“maternel”. Cette origine se laisse interpréter comme un véritable “ancrage”.
La maladie qui frappe l’individu est trop puissante pour ne pas renvoyer à des
comportements et à des déformations communes et communautaires. L’auteur du
traité à présent discute la supposition ; il sait qu’on lui objectera
peut-être, que de nos jours les croyances ne sont plus communes ;
ellesse diversifient dans les sectes,
et celles-ci s’adressent à des personnes distinctes. Mais la démonstration peut
emprunter la voie contraire. Le mal est là pour faire supposer un passé
différent. Le patient a intégré dans son existence une conduite qui était
préformée, puis, en un deuxième temps, il lui a assuré au cours de sa vie de
personne les conditions d’un développement propice ; l’héritage s’est
installé dans sa propre vie comme une créature qui prétendrait à uneprésence autonome au sein de son corps.
Kafka conclut en faisant
entrevoir le vrai but de son analyse : “qui pourrait prétendre guérir cela ?”.
Il identifie les ressources que possède le spectre qui habite le malade,
accrues par son incarnation. Ce n’est pas C. G. Jung, de qui Brod dans ses
annotations a rapproché la méditation (“affinité surprenante avec Jung, que
Kafka ne connaissait pas”, p. 455). Non,c’est du Freud. L’arc est tendu à nouveau ; la psychanalyse est révisée
ou repensée par une remontée jusqu’aux origines du mal, soutenue parla simple reconnaissance de sa force, qui est
déterminante.
©Jean
Bollack, tous droits réservés - contribution de Tristan Hordé