Tout est déjà dans le titre ! Ce livre nous parle essentiellement de la vie des femmes, sur trois générations, au début du siècle dernier, dans la bonne bourgeoisie française, entre les hommes officiers de carrière, souvent morts à la guerre et les longues cérémonies religieuses rythmant les étapes familiales que sont obligatoirement le baptême, le mariage et les enterrements.
Ces femmes, qu’elles s’appellent Valentine, Mathilde ou Gabrielle, sont enfermées à vie dans un carcan devaleurs et de bonnes manières qu’elles sont les premières à revendiquer et à transmettre à leurs très nombreux enfants. Pour avoir une vie réussie, une femme se doit de se marier, d’aimer si possible son mari, en tout cas de le respecter, d’enfanter et puis d’attendre la mort, dignement. Entre temps, elle aura vu mourir autour d’elle certains de ses enfants et son époux. Elle deviendra un veuve élégante, c’est-à-dire, résignée, silencieuse, vigilante, fidèle à ses morts, qu’ils soient ancêtres, descendants ou mari.
Le style même de la romancière possède l’élégance naturellement classique qui sied à une telle évocation des femmes des grandes familles bourgeoises, des siècles précédents, « toutes accaparées par cette tâche : procréer ».
Selon l’éditeur : "ce court roman d’une douce gravité est un hymne à la vie et au pouvoir fécondant de la femme. » Soit, mais n’y a-t-il pas, derrière l’apparence, un brin de critique sociale? Je l’attendais mais ne l’ai pas trouvée.
J’ai beaucoup aimé la moitié du livre et pas du tout la dernière qui m’a ennuyée, la fin me semblant totalement bâclée et insipide, à l’image des deux dernières phrases du roman : « Plus tard elle sera l’épouse dans l’harmonie de cet homme. Et la mère dans la douceur d’un très jeune enfant. »
Le début me semblait plus maîtrisé et prometteur avec cette phrase de Ionesco en exergue : « Des milliards de morts. Ils multiplient mon angoisse. Je suis leurs agonies. Ma mort est innombrable. Tant d’univers s’éteignent en moi. »
Pour mieux me souvenir de ce récit, je retiendrai: « Ainsi les couples étaient féconds, comme si la terre avait été si belle qu’il fallait enfanter des êtres capables de s’en émerveiller. Ou si cruelle qu’il fallait apprendre à compter, parmi ceux qui naissaient, lesquels survivraient. »
D’autres que moi ont beaucoup aimé ce livre dont Lou, la plus enthousiaste, je crois, Laure du Jardin d’LN, Tamara, et peut-être d’autres encore.
L’élégance des veuves par Alice Ferney (J’ai lu,Actes Sud, 1995, 124 pages) Illustrations : Frédéric Bazille "Réunion de famille"