« Je m’appelle Elisabeth » d’Anne WIAZEMSKY est une belle porte ouverte vers la différence.
La quatrième de couverture m’avait mise sur une mauvaise voie : un défi contre l’autorité paternelle. En fait, il s’agit pour moi bien de l’inverse. Oui, la jeune Beth, douze ans, fille du Directeur de l’hôpital psychiatrique, va aider un malade à se cacher en mentant à son père et défiant les autorités. Mais il s’agit là de deux complicités : de celle de cette 5ième fille, la dernière, la préférée de son père avec ce dernier et de celle que cette enfant va entretenir avec ce malade.
Ce court roman propose un aller vers la peur. La peur de la « chose » effraye tout de suite visuellement. De ce frisson qui descend le long de l’échine mais dont l’image est plus gore qu’autre chose : des cadavres de petits oiseaux, des têtes d’écureuil….
Et de la peur de l’autre, surtout si celui-ci est différent. De ces malades « de longue durée », pris dans leur mutisme, dans leurs monologues sans nous laisser les clefs de la discussion. Beth met à profit l’éducation paternelle, celle qui lui permet de penser ces malades comme des êtres vivants, d’être contre les camisoles et les électrochocs. Je l’ai suivi dans sa mise en œuvre de cet esprit ouvert : faire connaissance, laisser à l’autre sa part de mystère, ne pas s’effrayer de leur différence.Elle agit comme une adulte, se choisit un prénom, Elisabeth (en fait, le sien inusité), elle se démarque de cette enfant qu’elle était jusque là. Et pourtant, tout n’est pas signe de maturité, elle reprend, à tord, le pouvoir que son père a sur les malades : celui d’être le soignant. Elle croit en la possession de cet être, pas une chose mais un malade (est-ce aussi une maîtrise de la situation tout simplement ?). Cela ne l’empêche pas de suivre la voie tracée, de rester encore la « numéro cinq », la préférée, de son père. Il est bien question d’amour filial et de l’autre, aussi simplement que peut le faire un enfant.
*source affiche du film Birdy d'Alan Parker
« Elle avait peur, horriblement peur. « La chose » allait réapparaître ailleurs, elle en était persuadée. Alors elle se rappela un livre qui l’avait tant effrayée qu’elle n’avait pas pu dépasser les deux premiers chapitres : Fantômas. Mais, tout à coup, cela lui parut moins effrayant (….) A mi-voix et en se concentrant bien, elle se récita le début qu’elle connaissait par cœur :
- Fantômas !
- Vous dites ?
- Je dis Fantômas…
- Cela signifie quoi ?
- Rien et tout.
- Pourtant, qu’est-ce que c’est ?
- Personne, mais cependant quelqu’un.
- Enfin, que fait-il ce quelqu’un ?
- IL FAIT PEUR. »
Les avis de Clarabel et Lily (trop court, miss, trop court!)...
Dans ma seconde famille, ancienne maintenant, un psychiatre m’avait perturbée (avec mes encouragements persistants) à suivre les méandres des esprits : la ligne de distinction entre malade et personne saine est tellement fine. J’ai été très touchée par ce premier pas littéraire proposé par Anne WIAZEMSKY…j’aurais aimé suivre cette attitude plus longuement, peut-être plus follement avec tous ce que la maladie provoque de circonstances perturbantes. Je suis à chaque fois outrée par nos méthodes médicamenteuses à outrance ou enchaînantes au sens propre par manque de personnel qualifié… et que dire de notre non respect des sépultures. Connaissez-vous le centre Cadillac, hôpital psychiatrique de France ? Quel lieu étrange, je vous laisse arriver jusqu’à lui par le cimetière .