Denis Coderre, lieutenant québécois du chef du Parti Libéral du Canada (PLC), vient de quitter son poste avec fracas. De plus, il a démissionné de son poste de critique de l’opposition officielle du Ministère de la Défense, au parlement. Ses gestes sont surprenants d’autant plus que des élections fédérales prochaines sont possibles puisque le gouvernement canadien du Parti Conservateur du Canada fait face à une motion de confiance proposée par le PLC.
Je connais Denis Coderre depuis longtemps et j’ai toujours admiré son enthousiasme, sa ténacité et sa fougue à servir la cause de son parti. Il y œuvre depuis sa jeunesse. Plus libéral que lui, on n’en trouve pas. Il a été trois fois candidat dans des comtés-châteaux-forts de partis adverses où il avait été mis en nomination par aider la cause son parti. Nonobstant la forte probabilité de défaite, il s’est, chaque fois, battu admirablement bien mais sans succès. Finalement, il s’est fait élire dans le comté de Montréal-Nord où il est un député fédéral bien apprécié puisqu’il a été maintes fois réélu, même lorsque son parti n’avait pas la cote et fut rejeté. Il a été ministre.
Depuis la descente aux enfers du PLC suite au scandale des commandites, Coderre n’a pas lâché. Il a tout fait pour aider son parti à relever la tête. Au congrès de leadership pour choisir un nouveau chef, il a pris parti pour Michael Ignatieff qui fut défait par Stéphane Dion. Coderre se rallia à ce dernier et donna le meilleur de lui-même. Dion perdit l’élection qui suivit, démissionna et Ignatieff fut appelé à le remplacer comme chef du PLC.
Le PLC était alors en plein désarroi au Québec avec un nombre de députés minimum. Ignatieff, dont la popularité reprenait du poil de la bête au Canada et particulièrement au Québec, décida, suite à une longue tradition, de se donner un lieutenant politique québécois, chargé des affaires du parti. Un genre de sous-chef. Ce poste fut brillamment rempli dans le passé par des Ernest Lapointe et des Marc Lalonde qui eurent une influence importante sur l’organisation du parti et sur la politique canadienne. Ignatieff choisit Denis Coderre pour remplir cette tâche importante. À mon point de vue, ce fut une erreur car Coderre n’est ni un Lapointe ni un Lalonde. Comme organisateur, oui, mais comme politique, non. Il aurait dû être nommé président d’un comité organisateur en vue des prochaines élections.
Coderre a fait un travail remarquable pour rebâtir le parti. Il a redonné un regain de vie aux troupes libérales québécoises. Il a créé une structure organisationnelle efficace, trouvé du financement par des activités démocratiques, fait choisir près de 90% des candidats, établi une stratégie électorale, bien représenté le parti dans tous les coins de la province et n’a cessé d’appuyer loyalement son chef en tout moment. Il a fait preuve d’un dévouement inlassable et d’une maîtrise exceptionnelle de l’appareil électoral du parti au Québec.
Pour atteindre les objectifs de son comité, il a dû, par la force des choses, piler sur certains orteils et cela a fait mal à plusieurs. Il a fait ce qu’il fallait faire pour réussir. Mais, il y en a toujours qui sont là pour chialer, critiquer et se plaindre. Ces derniers sont normalement ceux qui ne font rien et qui ne sont pas capables de faire quoi que ce soit de pratico-pratique. Coderre a su naviguer parmi ces eaux troubles et a maintenu son cap. Malheureusement, une dispute s’est développée pour le choix du candidat dans le comté d’Outremont, où l’ex député-ministre Martin Cauchon, qui avait, lâchement, quitté la barque libérale de la dernière élection alors qu’elle coulait, a voulu, puisque le vent est revenu dans les voiles du parti, reprendre son poste de député. Coderre refusa car il avait choisi une candidate très valable pour remplir ce poste et même décidé de l’imposer aux libéraux du comté en outre-passant une assemblée de mise-en-nomination ouverte à tous. Ce fut une erreur. Ignatieff refusa et décida que l’assemblée devait avoir lieu et que Cauchon pourrait y être candidat.
Face à la décision de son chef, Coderre jugea que son autorité était minée et il démissionna. Une autre erreur. De plus, sa fracassante sortie s’accompagna de dénonciations indirectes envers son chef sur la place publique lorsqu’il affirma que les décisions importantes en rapport avec l’organisation électorale de son parti au Québec étaient prises par les anglais à Toronto. Une autre erreur.
J’ai été dans la même position que Coderre pour le parti progressiste-conservateur du Canada (PPCC) sous Stanfield. Je tirais tous les cordons pour l’élection de 1972. J’ai connu ces moments difficiles où il fallait discuter longuement avec les autres membres de l’organisation nationale qui ne favorisaient pas nécessairement nos approches. Je ne gagnais pas toujours mon point, tout comme les autre membres des autres provinces ne gagnaient pas toujours les leurs. C’est ça un parti national ! Mon rôle et celui des autres Québécois qui y participaient nous a permis d’influencer les affaires nationales du parti. C’est ainsi que le PPCC s’est transformé pour devenir un parti pour tous les Canadiens et cela s’est avéré réel lorsque la porte s’est finalement ouverte pour la venue du premier Québécois comme chef, Brian Mulroney.
Coderre a nui à son parti en agissant comme il l’a fait. Sa décision intempestive est inexplicable pour moi. Il est triste de constater qu’un partisan aussi dévoué à un parti politique pose des gestes qui risquent d’entacher l’image de son parti, surtout à la veille d’une élection. Il a eu tort de démissionner et de tout foutre en l’air. Il a agi de façon irresponsable et a donné l’impression qu’il se prenait pour un général alors qu’il était lieutenant.
Denis Coderre est un homme travaillant, dévoué, sincère et dynamique. J’espère qu’il va se ressaisir et continuer à bien servir Montréal, le Québec et le Canada.
Claude Dupras