Sarkozy négociait pour la France l'enrichissement de l'uranium iranien

Publié le 02 octobre 2009 par Juan


« Monsieur le président Obama, je soutiens la main tendue des Américains. Qu’a amené à la communauté internationale ces propositions de dialogue ? Rien. Plus d'uranium enrichi, plus de centrifuges, et de surcroît, last but not least, une déclaration des dirigeants iraniens proposant de rayer de la carte un membre de l'organisation des Nations Unies. Il y a un moment où les faits sont têtus, et il faudra prendre des décisions. Si nous voulons un monde sans armes nucléaires à l'arrivée, n'acceptons la violation des règles internationales».
Ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy il y a quelques jours, à New York, lors d'une réunion du Conseil de Sécurité. Sarkozy était filmé, le doigt tendu, le regard noir. Obama regardait en l'air, la traduction à l'œuvre dans ses oreillettes.
A peine 8 jours plus tard, Nicolas Sarkozy devrait avaler son chapeau de cow-boy de western de série Z. C'est finalement la France qui va enrichir l'uranium de l'Iran. Et cette décision, l'une des conséquences d'un accord conclu par les Américains, est en fait en préparation depuis des mois.
Négociations en coulisses
Voici une troublante information que BAKCHICH, dans sa version papier hebdomadaire, dévoilait mercredi à ses lecteurs : les Etats-Unis, appuyés par la France, négocient en coulisses un accord sur le nucléaire iranien. Et le lendemain, l'Iran et les représentants du Conseil de Sécurité sont effectivement tombés d'accord.
Dans un article intitulé « Le cadeau atomique de Paris à Téhéran », l’hebdomadaire explique qu’il « ne faut pas toujours se fier aux effets de tribune ». En effet, depuis 2007, Nicolas Sarkozy n’a pas eu de mots assez durs contre l’Iran, au point qu’on a pu lui reprocher de jeter de l’huile sur le feu. Il s'est même permis, à plusieurs reprises, de critiquer publiquement l'administration Obama de pratiquer une politique de la main tendue jugée inefficace.
La diplomatie française est largement incohérente : contre les talibans d’Afghanistan ou le régime iranien, elle fustige leur « barbarie ». Mais en parallèle, la France sarkozyenne a très rapidement réhabilité d’autres régimes peu recommandables comme la Libye ou la Syrie, allant jusqu’à leur promettre un peu de technologie nucléaire. Rappelez-vous les explications françaises embarrassées en juillet 2007 quand on apprit que la France allait construire une centrale nucléaire pour « dé-saliniser » l’eau de mer.
Début juillet dernier, la France payait le prix des provocations verbales de son monarque : une jeune Française, Clotilde Reiss, fut arrêtée, emprisonnée et jugée par le régime de Téhéran. Libérée après plusieurs semaines de détention, elle reste recluse à l’ambassade de France. BAKCHICH révèle que de nombreuses rencontres sont intervenues entre représentants français et iraniens.
BAKCHICH publiait même des extraits d’une note confidentielle de la Direction des Affaires Stratégies, de Sécurité et du Désarmement (ASD), datée du 14 septembre, préparant la réunion du 1er octobre entre France, Royaume Uni, Allemagne, Russie, Chine et Etats-Unis sur le nucléaire iranien à Genève. On peut y lire que le Quai d’Orsay propose d’accepter l’idée américaine de sortir d’Iran 1,2 tonnes d’uranium faiblement enrichi, de le ré-enrichir pour le rendre ensuite à l’Iran.
"1- Le rapport du Directeur Général de l’AIEA sorti le 28 août confirme que l’Iran poursuit ses activités d’enrichissement d’uranium, en violation des résolutions du Conseil de Sécurité. (…) 4- Le réacteur de recherche de Téhéran (TRR) dont le combustible est fabriqué à partir d’uranium enrichi à 19,7% sera à court de combustible à partir du second semestre 2010. Les Iraniens ont donc demandé à l’AIEA la possibilité d’enrichir leur uranium à ce taux (l’uranium iranien est pour l’instant enrichi à 3,5%) ; en cas de refus de l’Agence, ils pourraient utiliser ce prétexte pour enrichir à 19,7% leur uranium. Les Américains ont imaginé que soit proposé à l’Iran de sortir de son territoire 1200 Kg d’uranium faiblement enrichi pour que celui-ci soit ré-enrichi puis transformé en combustible à l’étra,ger avant de retourner en Iran. L’enrichissement se ferait en Russie, la fabrication du combustible en France (l’Argentine et la France étant les seuls pays dont un industriel dispose du savoir-faire nécessaire). Nous avons donné, sous conditions, notre accord aux Etats-Unis pour cette opération."
Incohérences françaises
BAKCHICH souligne également que la Présidence est divisée sur le cas iranien : le sherpa du Président, Jean-Daniel Levitte, et son ministre des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, sont favorable d’une rupture totale avec l’Iran, suivant la politique « néocon » de l’ancienne administration Bush. Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, est au contraire partisan d’une réconciliation. Ce dernier a notamment eu recours à Michel Rocard comme intermédiaire. D’après BAKCHICH, l’ambassadeur d’Iran en France a ainsi rencontré Rocard le 10 août, puis Guéant le 1er septembre (dans les bureaux parisiens de Michel Rocard), puis Michel Dubois, un conseiller de Rocard, le 16 septembre. Énervé, Jean-Daniel Levitte a exigé de l’ambassadeur iranien, le 18 septembre, qu’il cesse ces rencontres officieuses. Quand à Bernard Kouchner, il s’est prononcé, le 30 septembre, contre des sanctions envers l’Iran : « Je ne suis pas un fanatique des sanctions qui frappent le peuple. Parfois c'est utile, mais on n'en parle pas pour le moment, à Genève ils n'en parlent pas pour le moment». Pour ajouter à la confusion, Hervé Morin, le ministre de la Défense, s’est exprimé, le même jour, … pour des sanctions !
"Si l'Iran ne répond pas d'ici à décembre aux demandes de l'AIEA, il est indispensable que la communauté internationale décide de sanctions. La France est déterminée sur ce point. Il n'y a pas d'autre stratégie"
Jeudi, le « groupe des 6 » et l’Iran sont parvenus à un drôle d’accord : ils ont «convenu en principe que l'uranium faiblement enrichi en Iran sera exporté dans d'autres pays pour être totalement enrichi». Vous avez bien lu : « totalement enrichi ». La France va donc produire ces 1200 kg d'uranium enrichi pour l'Iran.
Malgré les rodomontades du Monarque français, la France a accepté d’enrichir totalement l’uranium iranien.
Totalement.
L'accord est "historique", note le Figaro. Historique, le retournement de veste du président français l'est tout autant.