Nous arrivons presque au terme de l'écriture des 128 pages de L'édition électronique. Nous avons pensé qu'il serait utile de soumettre à votre sagacité notre réflexion sur les professions de l'édition électronique. Il ne s'agit ici que d'un court extrait, qui se concentre sur le tableau des cinq piliers, dont il est probable que beaucoup de détails puissent être ajustés après discussion.
L'édition électronique repose sur cinq piliers distincts : la structuration de l'information, la documentation de l'information, l'optimisation des conditions de lecture, l'appropriation par le lecteur et le développement des interopérabilités (ne sont pas intégrées ici les dimensions économiques et juridiques).
STRUCTURATION DE L'INFORMATION
Les choix de structuration de l'information sont décisifs à long terme. Les enjeux de ces métiers sont la maintenabilité, l'évolutivité, l'indexabilité, la citabilité, la pérennité et l'interopérabilité des contenus. La structuration de l'information ne concerne pas que le choix d'un format, mais, plus largement, la façon dont les documents vont subir des interventions régulières tout au long de leur vie, y compris après leur publication. Il faut donc intégrer le choix des formats dans un schéma plus général, qu'on appelera schéma directeur du système d'information, qui ne servira pas qu'à produire des ouvrages, mais aussi à alimenter le catalogue en ligne, le catalogue papier et les API ouvertes par l'éditeur.
DOCUMENTATION DE L'INFORMATION
Aussi élaboré et fin qu'il soit, le système d'information n'est pas une fin en soi et il devient peu à peu ce que les professionnels qui l'utilisent parviennent à en faire. Cela dépend de la priorité accordée à cette tâche partiellement invisible, de la clarté et de l'ergonomie des interfaces qui leur sont proposées, ainsi que de l'existence de chartes de qualité de l'information, afin que celle-ci soit codée de façon harmonieuse.
L'OPTIMISATION DES CONDITIONS DE LECTURE
L'accessibilité permet au contenu d'être consulté par la plus large population possible. Les normes techniques d'accessibilité sont définies par le W3C (World wide web consortium), présidé par Tim Berners Lee. Elles ont pour objectif la prise en compte des différents environnements technologiques de lecture et des différents handicaps humains. C'est le projet « Web Accessibility Initiative (WAI) » qui regroupe les recommandations et les normes édictées par le W3C en ce sens. En particulier, il publie le « Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) ».
L'APPROPRIATION PAR LES LECTEURS
L'appropriation des textes par les lecteurs constitue une des nouveautés les plus importantes de l'édition électronique. La définition d'une politique d'appropriation éditoriale ne peut se résumer à l'insertion d'un forum, de la possibilité de faire des commentaires ou de l'installation d'un Wiki dans un coin du site… L'édition inscriptible doit correspondre à un projet éditorial fort et cohérent. C'est ici l'appropriation des contenus par ceux auxquels ils sont destinés : les lecteurs. L'appropriation est à la base des usages du texte : lecture, mais aussi partages, commentaires, copie, et...écriture de nouveaux textes.
LE DÉVELOPPEMENT DES INTEROPERABILITÉS
La mise en liens est stratégique pour insérer la publication dans l'écosystème thématique qui lui correspond, à l'échelle du Web tout entier. Cette capacité comporte toujours deux sens, sortant et entrant. En général, on se préoccupe de délivrer des données vers l'extérieur, privilégiant plutôt le sens sortant, alors que le sens inverse est tout aussi stratégique, car il assure une inscription complète du site dans le réseau. De ce point de vue, les interopérabilités sont des éléments décisifs pour donner à l'édition une véritable réticularité. La mise en liens transforme des données inertes en données actives. Elle augmente la fréquentation et apporte du sens à la lecture. Contrairement à ce qui est souvent admis, l'interopérabilité ne constitue pas en un référencement basique : référencer un site, en général, est faiblement efficace, et ne peut se passer d'un référencement au niveau des unités documentaires plus petites, idéalement le document… voire le paragraphe.
LE FOSSÉ DES COMPÉTENCES
Bouleversement, révolution, changement de paradigme, ébullition, changement de siècle : les expressions sont nombreuses pour décrire la situation de l'édition électronique à la fin de la première décennie du XXIe siècle. Ces évolutions rapides, et assez éloignées des fondements de l'édition traditionnelle, ont provoqué des tensions dans la profession, créant des déficits de compétence et des difficultés d'adaptation. Le Skillset a mené une étude des besoins de compétences de l'industrie de l'édition en Angleterre, qui conclut à un gap de compétences structurel (« skills gap »), qui va croissant. Pour remédier à cette situation, un diagnostic puis une politique de recrutement et de formation profondément renouvelée semblent s'imposer. Le gouvernement français a inauguré en 2009 un portail des métiers de l'internet et des lieux de formation correspondants qui peut être utile, même s'il ne concerne pas exclusivement l'édition électronique et si la cartographie des lieux de formations reste incomplète.
LE TABLEAU SYNTHÉTIQUE DES CINQ PILIERS ET DE LEURS DIVERSES INTENSITÉS
Les réalités de terrain sont très diverses, mais, pour les besoins de l'exposé, on modélise chaque activité en quatre intensités, de la plus faible à la plus forte. A chaque pilier correspondent des enjeux, des compétences et des métiers émergents.
Que pensez-vous de ce tableau ? Si un débat se développe, je pourrai le proposer sous la forme d'un document partagé, en lieu et place de cette image terriblement fixe...
Crédits photographiques : Nature's pillars par Freddie H, licence CC.