Note : 8/10
Meilleurs titres : Sea Horse/ Sea Side/ Freely
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer brièvement l’univers de Devendra Banhart, et plus particulièrement son album (à mon sens le meilleur) Cripple Crow. Le chanteur et guitariste folk revient avec Smokey Rolls Down Thunder Canyon, un album intéressant qui marque à la fois un approfondissement de son style ainsi que quelques (légères) évolutions.
Au chapitre de l’approfondissement, Banhart continue de creuser un sillon folk-psyché-world qu’il entretient depuis longtemps maintenant – même si, des débuts extrêmement épurés où guitare et voix se suffisaient presque à elles-mêmes aux orchestrations plus riches (depuis Cripple Crow notamment), beaucoup de chemin a été parcouru.
De même, l’alternance entre chants en Anglais et chants en Espagnol (l’auteur-compositeur a passé une partie de son enfance au Venezuela) ne faiblit pas, bien au contraire. Ce ne sont pas que les paroles, ce sont aussi les influences musicales latino-américaines qui se font sentir. Flirt avec la bossa, la samba, tout y passe, et comme Banhart aime encore à élargir ses horizons, il nous propose même un titre qui incorpore des éléments reggae.
Finalement, la même impression de patchwork stylistique et culturel, ressentie dans les albums précédents, saisit l’auditeur (puisque, au-delà de la structure folk et de ces nombreux éléments world, il faut également noter des inspirations rock ou be-bop).
Pourtant, des évolutions se dessinent. La plus enthousiasmante concerne la capacité de Devendra Banhart à rendre plus "planantes" certaines de ses compositions, grâce à une production un peu moins sèche et plus travaillée que sur ses précédents opus. Les meilleurs exemples de cette tendance restent les très belles "Sea Side" et "Freely", qui nous donneraient presque l’impression que Nigel Godrich (l’ingé son de Radiohead) est passé par là.
Autre inflexion en partie positive : la propension de Banhart à complexifier et étirer certaines structures. Sans doute aurait-il autrefois misé sur une idée, sans aller chercher beaucoup plus loin. Désormais, il se permet des complications de bon aloi, comme sur "Sea Horse" (qui commence lentement et se termine dans des sonorités authentiquement rock) ou "Rosa" (ballade psyché un peu tordue).
Malgré ces éléments extrêmement positifs, quelques réserves sur l’album (qui n’engagent évidemment que moi).
D’abord, l’aspect patchwork du travail musical de Banhart, poussé ici à son paroxysme, peut finir par agacer. En effet, on n’est parfois plus très loin de l’exercice de style un peu vain.
Ensuite, les expérimentations sur les chansons, leur allongement, leur côté alambiqué, donnent quelquefois le meilleur (voir ci-dessus), mais c’est parfois plus contestable. On est alors pas loin de s’ennuyer un peu, ne voyant plus très bien où le barde veut nous conduire.
Bien entendu, tout cela reste très personnel, se fédère autour de la voix et de la personnalité de son auteur, mais l’équilibre menant à l’harmonie n’est pas toujours pleinement atteint.
Une fois ces nuances listées, il faut malgré tout reconnaître que Smokey Rolls Down Thunder Canyon nous fait voir du pays, nous plonge dans des mondes riches et bigarrés, nous emporte dans son intertextualité. C’est déjà pas si mal.