Peu de gens le savent, mais la 4ème édition du Festival du Cinéma Chinois de Paris a lieu en ce moment même. Les trois années précédentes, c’est le Max Linder Panorama qui accueillait la manifestation, dans une ambiance que l’on pourrait qualifier de confidentielle étant donné le nombre de spectateurs que nous étions en salle (la plupart du temps une trentaine, dans la gigantesque salle du Max Linder, ça fait vide). Sûrement est-ce pour s’ouvrir à une audience plus importante que le festival a cette année été déplacé au Gaumont Opéra (l’ancien Paramount).
La conséquence de ce changement de salle est évidente. Arrivé à 19h30 pour découvrir un film programmé à 19h40, je me suis trouvé devant une queue déjà bien fournie devant la salle, indiquant clairement que Gaumont avait fait son job de promotion pour le festival. Au moment où la lumière s’est éteinte pour laisser place au film, la salle 4 du Gaumont Opéra qui doit contenir facilement 150 ou 160 places, était pleine à craquer.
Le film justement, il serait temps d’en parler. Il s’agissait de La perle rare, le dernier film en date de Feng Xiaogang, cinéaste chinois dont aucun film n’est jusqu’ici sorti en salles en France, sinon en festival. Son précédent, notamment, avait été présenté l’année dernière à l’édition précédente du festival, un film de guerre patriotique presque pénible intitulé Héros de Guerre (Assembly), et sorti en DVD il y a quelques mois en France.
Connaissant assez peu la filmographie de Feng, je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec La perle rare. La surprise fût agréable. Comédie très ancrée dans la société chinoise actuelle, naviguant entre la romance et le road-movie, La perle rare est un bol d’air qu’il fait bon respirer au milieu de l’offre cinématographique chinoise qui nous est faite à Paris habituellement (à savoir rare et rarement légère).
Le film conte la rencontre entre un quadragénaire cherchant une femme par petite annonce, et une jeune et belle hôtesse de l’air dont le cœur est déjà pris mais qui va se prendre d’amitié pour ce personnage iconoclaste. D’abord d’accord pour ne pas se revoir, ils se recroisent par hasard, et commencent une amitié qui va leur permettre d’opposer leurs expériences et leurs visions des relations homme/femme, avec une distance et un humour qui vont en faire les meilleurs amis du monde.
Avec un compteur s’arrêtant à 2h10, La perle rare est assurément trop long. C’est LE défaut du film, que le réalisateur s’évertue à rallonger et densifier quand cela n’a plus lieu d’être. Ce qu’il y a de bien, c’est que c’est le seul vrai point négatif d’un film qui par ailleurs est un modèle du genre. Il offre un regard assez inédit dans les salles françaises sur la Chine du 21ème siècle, elle aussi rattrapée par la technologie et les soucis des rapports humains modernes. Le scénario laisse la part belle aux éclats de rire par le personnage masculin, hurluberlu écumant les rendez-vous irrésistibles d’humour. Il est campé par Ge You, acteur fétiche du cinéaste plus connu en Occident pour les films de Zhang Yimou du début des années 90 Adieu ma concubine et Vivre !
Face à lui, dans la peau de la fragile et touchante XiaoXiao, la comédienne Taïwanaise Shu Qi, que je n’avais plus vue, elle, depuis le très beau Three Times de Hou Hsiao Hsien. Il peut y avoir différentes raisons qui font que l’on se plonge facilement dans un film, et dans cette Perle rare, ma raison a été Shu Qi. J’avais oublié à quel point cette actrice a un visage magnifié par la caméra. Ce n’est pas le plus beau des visages du cinéma chinois, pourtant il a quelque chose d’unique. Une mélancolie infinie, des traits qui semblent prêts à craquer à chaque instant pour laisser couler les larmes.
Cette sensibilité de Shu Qi sied parfaitement au personnage à fleur de peau qu’est XiaoXiao, et par sa seule grâce, l’actrice fait exister le film dès son apparition à l’écran, à la table d’un bar, dans l’attente, le regard dans le vague, si fragile déjà (les organisateurs du festival ne s’y sont pas trompés, et ont choisi cette image pour l’affiche de la manifestation). Cette fragilité, associée à la bonhomie apparente de Ge You, offre une dynamique à la fois jouissive et amère au récit, qui porte le film.
On peut bien sûr parler de certains thèmes abordés, du moins effleurés, comme le rapport aux parents, la crise financière, les relations avec le Japon, le déracinement, et d’autres choses encore. Mais la vraie force du film réside dans ce couple inattendu, et pourtant si évident à l’écran.