François Fillon nous a prédit un déficit budgétaire de 140 milliards pour
2009 !
Le montant fait sursauter, ou du moins il devrait et beaucoup se sont déjà
déclarés atterrés par l’ampleur de la somme qui représentera plus de 8% du PIB.
Je n’épiloguerai pas sur ce déficit, d’autres l’ont déjà fait et j’ai déjà
écrit plusieurs fois sur le sujet, mais pour autant il me semble intéressant
d'y ajouter 2 commentaires.
Le premier est directement inspiré du billet de Laurence Boone (Chef
économiste France chez Barclays Capital) sur telos.
Elle nous apprend, notamment, à propos du déficit public qui a presque triplé
en 2 ans, que d’après l’OCDE et la Communauté Européenne, la part du déficit
liée à la crise est estimée à environ 2% du PIB ce qui nous donne environ
…40 milliards d’euros (et non pas 65 milliards comme l'affirme
Sarkozy) !
Elle en conclut que les 100 milliards restants correspondent à un déficit
structurel ! ce qui veut dire en clair que même avec une croissance
positive de 2%, taux certes modéré mais auquel nous sommes abonnés depuis
plusieurs décennies, le déficit serait de 100 milliards d’euros et qu’à ce
train là, la dette publique atteindra quasiment 100% du PIB en
2015 !
Et tout ça, sans que le déficit ne serve à préparer l’avenir puisque, nous
dit-elle, « sur les dépenses (de l’Etat) financées par endettement, seuls
5% servent à financer des investissements, le reste étant réparti entre
dépenses de fonctionnement (frais généraux, 15%), transferts sociaux (23%),
salaires des fonctionnaires (plus de 40%) et charge de la dette (autrement dit
le paiement des intérêts, 15%). »
Après avoir évoqué l’inflation (au détriment des épargnants) et la
croissance (un taux de + 3% extrêmement improbable) comme moyens de stabiliser
la dette, elle en conclut que « (…) seul un ajustement des dépenses pourra
effectivement la stabiliser (la dette) et elles ajoute « En régime
d’inflation et de croissance de croisière, il faudrait un ajustement de 2% du
PIB par an (par exemple, doubler l’impôt sur le revenu) pour stabiliser la
dette d’ici 2013 ».
De tout cela, je conclu que nous avons 3 options pour stabiliser la dette
(notez qu’on ne parle même pas d’une réduction) :
1 - Continuer à dépenser ce que nous dépensons sans augmenter les
prélèvements et nous fonçons droits dans le mur puisque plus la dette augmente
plus a charge liée augmente et donc plus le déficit se creuse et donc plus la
dette augmente et donc… !
2 - Continuer à dépenser ce que nous dépensons et augmenter, significativement,
les prélèvements obligatoires (par exemple doubler l’impôt sur le
revenu) !
3 - Diminuer drastiquement les dépenses de l’Etat (toujours pour seulement
stabiliser la dette) !
Si on a le courage d’exclure la première option et que l’on considère (à
juste titre) que compte tenu du taux de prélèvement obligatoire en France, les
limites de la seconde seront vite atteintes, il ne reste que la troisième
!
Pour donner une idée de ce que signifie drastiquement, le non-remplacement
d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, tel que le prévoit le budget
2010, devrait faire économiser …..500 millions d’euros par an
à comparer avec un déficit en 2010 estimé à 110 milliards !!!
Malheureusement, ce ne sont pas les récents propos d’Eric
Woerth qui peuvent laisser espérer que l’on puisse sortir de cette
malheureuse situation puisque devant les exemples de l’Espagne ou des Pays-Bas
qui ont annoncé une baisse importante de leurs dépenses publiques, il nous
dit : « C’est impossible en France, (…) Ceux qui réclament la baisse
des actions publiques sont les mêmes qui s’y opposent dès qu’on prend des
décisions en ce sens. L’enjeu, c’est bien de ralentir leur progression, pas de
les réduire » !!!!
« C’est impossible en France » …tout est là !...Mais pourquoi
est-ce impossible en France ?
En évoquant les contradictions de tous ceux qui réclament des baisses des
dépenses publiques mais qui braillent comme des veaux dès que l’on supprime
quelque postes dans la fonction publique, Eric Woerth énonce hélas, une triste
réalité, mais quel manque de courage politique d'utiliser un tel prétexte
!!!
On comprend mieux maintenant pourquoi les déficits n’ont cessés de se
creuser depuis 30 ans, on fait l’autruche en se cachant derrière « c’est
impossible en France » et on continue à faire vivre la France à crédit
!
Ca en est devenu à un tel point que l’on refuse même de regarder la
situation en face.
Le journal
Les Echos a eu la bonne idée de rappeler les différentes prévisions qui ont
été faites à propos du budget et donc du déficit 2009 :
La loi de Finances initiale, prévoyait un déficit de 52 milliards
d'euros.
Le déficit est rapidement (le 6 novembre 2008 ) passé à 57,6 milliards à
l’occasion d’un débat au Sénat !
Le 4 décembre il en a encore pris un coup et a été évalué à 76,3 milliards
(plan de relance) et quelques jours plus tard à 79,3 milliards (le 17 décembre)
!
A l’occasion du premier collectif, le 20 janvier 2009, le déficit prévisionnel
a grimpé à 86,5 milliards !
Le 4 mars, le second collectif l’a hissé au dessus des 100 milliards, 104
milliards exactement !
Le 21 juin, Eric Woerth annonce un chiffre compris entre 125 et 130
milliards.
Le dernier pronostic en date est celui de François Fillon qui nous annonce 140
milliards !
Compte tenu de cet historique chargé, il y a peu de raisons de penser que ces
140 milliards correspondront au chiffre définitif !
Je sais bien que les temps sont durs pour les pronostiqueurs économiques
mais compte tenu de la marge d’erreur, 270% entre la LFI et le dernier chiffre
en date (et encore, Christine Lagarde était toute surprise d’avoir un taux de
croissance supérieur à ses attentes au 2ème trimestre sinon qu’est ce que ça
aurait été), on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y a une forme d'autisme
politique dans cette manière de sous-évaluer systématiquement le déficit
prévisionnel !
Il faudra pourtant que nos gouvernant comprennent que ce n’est pas en se voilant la face et en nous la voilant par la même occasion, qu’ils arriveront à prendre et à faire accepter les douloureuses mesures qui s’imposent !