Je garde mes mains dans mes poches. Elles peuvent à ce titre témoigner que ma langue n’y est pas, dans ma poche mais bel et bien dans ma bouche. Sauf avis contraire, demandes en bonne et due forme, impulsions incontrôlables, et poussées d’hormones.
Quand je suis à fond dans mon rôle, bien à l’abri sous mon masque, en colère ou blessée, revancharde ou vexée, on me dit même Princesse de glace. C’est dire si mon apparente civilité à des heures de vol. Car en clair je sais garder mes distances, tenir les autres à distance, et les distancer s’ils deviennent trop envahissants.
Pas facile de cerner la bestiole, je sais, on me le dit souvent. Car à l’inverse quand je ne suis ni vénère ni brusquée, j’au plutôt l’air accessible et souriante, engageante, réconfortante même tiens. Exit la Reine des glace bonjour la Reine des pommes. Je sais je me vends bien là. Même pas peur, même pas mal, même pas schizophrène !
Je ne peux donc pas (trop) leur en vouloir, aux autres, aux gens, à ceux qui ne me connaissent pas de tenter leur chance, de percer mon univers. C’est là que les gens s’approchent, me testent, me palpent, me soupèsent. Les gens me touchent et j’ai du mal à lutter.
Oh je vous arrête tout de suite. Il n’est pas question là d’avoir ou non cœur d’artichaut, d’être une femelle attendrie, ou une gamine énamourée. C’est vrai que les gens me touchent parfois par leur humour leur bonté ou leur médiocrité, mais c’est une autre histoire. Non, là je parle bien au sens propre du terme. Les gens me touchent, les gens posent leurs mains sur moi, me prennent dans leurs bras, me pincent, me tirent me poussent.
La première fois que j’ai tiqué j’étais enceinte jusqu’aux dents. Je me suis vue éviter les mains baladeuses comme un chien évite les tics. A croire que tripoter une excroissance difforme porte autant bonheur que pincer le pompon d’un marin. Je plains les (très) rondouillardes, les bossus et les porteuses de prothèses mammaires. Ah, tiens, je crois que je viens enfin de comprendre cette fascination masculine pour les retapées des seins. La Nip Tuc mania ne serait donc qu’un vaste loto ou le gagnant, le plus chanceux donc, aurait frotté… hum, ses mains contre le plus grand nombre de porte-bonheurs ? Admettons.
En clair ce n’est pas que je n’aime pas les papouilles, je revendique haut et fort mon coté tactile mais ces mains percent mon espace vital, et envahissent ma bulle. Je serai nippone je serai déjà allongée sur le divan d’un psy, violée par des mains pas si connue finalement qui me tripotent en permanence.
Je n’avais pas bien fait attention avant, à ces autres, pas les amis, pas les proches, pas les target, non juste ces autres, qui s’appuient sur moi pour un rien, me prennent par le coude, me touchent la main pour attirer mon attention. La plupart du temps on y prend même plus garde. A moins d’être nippone encore une fois.
Le plus drôle c’est que ça m’a sauté aux yeux là, en cette période de flippette internationale de la grippette, ou les gens ne se serrent même plus la main en rendez-vous pro, et je me suis aperçue du nombre démentiel de contacts de ces corps étrangers.
Je crois que je vieillis, que je deviens bégueule, ou que je suis tout simplement de mauvais poil, parce que là maintenant tout de suite, je préviens, le prochain qui me lèche les joues sous prétexte qu’on bosse ensemble, the next one qui se colle sous prétexte qu’il trouve sa propre blague hilarante, et celle qui viendra me tenir la main parce qu’on a partagé la même réunion surréaliste : j’explose. Littéralement.
Je leur peloterai les seins, mettrai ma langue dans leur oreille, leur mettrai la main aux fesses, ou une bonne plaque au paquet. A la guerre comme à la guerre parce qu’au final on n’a pas gardé les cochons ensemble, merde quoi ! Je ne suis pas celle que vous croyez !