Passage de frontière simple et sans encombre entre les deux rivaux historiques.
Nous passons lentement le poste frontière indien sale et sombre avec une forte odeur d’urine. L’accueil des douaniers est courtois mais fastidieux et nous devons montrer notre passeport à 6 reprises.
Traversée du no-mans land à pieds.
Arrivée du côté pakistanais l’accueil n’est plus courtois du tout.
Il est enjoué.
Nous entrons dans un bâtiment spacieux, clair, moderne et propre. La salle est vide et personne ne se trouve au guichet.
Hou hou, les gens ? Vous avez du boulot, y a du monde… Quelques instants plus tard un douanier arrive tout sourire, accompagné d’une jeune femme, pour les formalités administratives.
Première question du douanier : D’où venez-vous ?
Nous : de France
Douanier : haaa, parfums, tour Eiffel
Nous : oui, c’est vrai.
Douanier : et c’est quoi la spécialité de votre pays ?
Nous (légèrement déconcertés) : ben le fromage par exemple (nous aurions bien répondu le pinard mais dans un pays où toute forme d’alcool est interdite ça ne lui aurait pas beaucoup parlé, déjà le fromage ça lui semble vague). Ou la haute couture aussi.
Le douanier (s’adressant à Ariane) : Là je te parle parce que c’est la douane mais après les hommes ne te parlerons plus, ils s’adresseront à ton mari, c’est comme ça ici, c’est une marque de respect.
La jeune femme : mettez-vous devant la caméra s’il vous plait. Vous pourriez nous chanter une chanson de votre pays ?
Nous (de plus en plus déconcertés) : pardon ?
La jeune femme : Oui, vous connaissez une chanson de chez vous ?
Nous (amusés) : ben oui. Et nous voilà en train d’entonner en canon un Frère Jacques pendant que nos passeports sont tamponnés.
Le douanier (qui se met à faire son boulot) : Vous avez quoi dans vos sacs ?
Nous : Nos affaires what else ?
Le douanier : Pas de drogue ? Pas d’alcool ?
Nous : Ha non m’sieur le douanier c’est le Pakistan ici, on ne vient pas avec ces choses là et on ne mange pas de ce pain là.
Le douanier (satisfait) : bien vous pouvez passer et passez un bon séjour dans notre pays.
Ariane part en avant alors que le douanier me retient par le bras.
Le douanier (air complice) : En France vous faites du parfum et aussi le french kiss.
Moi : …
Quelques mètres plus loin, un copain du douanier nous propose de changer nos dernières roupies indiennes contre des roupies pakistanaises. Transaction qui se fit après quelques négociations sur le cours.
Nous décidâmes de rester un moment au poste frontière afin d’assister à une fermeture de frontière unique au monde.
Tous les soirs à l’heure où les bureaux se ferment et où les barrières tombent, les deux armées se défient dans une chorégraphie militaire surprenante.
Des gradins sont même installés de part et d’autre des barrières. D’un côté, deux mille indiens déchaînés et de notre côté deux cents pakistanais survoltés.
La cérémonie de clôture de la frontière commence par un combat musical, c’est à qui mettra la musique de son pays le plus fort et fera crier ses participants avec le plus de ferveur et de bruit. Force est de constater que le combat est inégal.
S’ensuit une série de provocations entre les deux armées, réglées comme du papier à musique. C’est un combat de coqs qui s’engage et le vainqueur est celui qui sera le plus fier. A ce petit jeu les pakistanais se montrent à la hauteur du challenge et leurs militaires ne sont pas en reste et bombent vaillamment le torse.
Un grand moment de ferveur nationaliste qui à lieu tous les soirs et dont personne ne se lasse.