Nicolas Sarkozy vient de prononcer son discours sur la jeunesse en Avignon. Il vient d'annoncer la mise en oeuvre prochaine d'une série de mesures en direction d'une jeunesse fortement touchée par la précarité. Une évidence, le Chef de l'Etat marque clairement sa volonté de reprendre la main sur une catégorie de la population, qui pour le moins, n'a pas beaucoup contribué à son élection à l'Elysée en 2007 et ne s'est pas beaucoup rapproché depuis, avec l'échec de la réforme du lycée esquissée en novembre 2008. Aussi, le Président veut-il compléter le tableau de ses ouvertures vers ces Français qui ne votent pas pour lui en élargissant son socle à cette jeunesse dont le vote fera aussi la différence en 2012. Voilà en substance, le but recherché par le Président par cet effet d'annonce. Car pour le contenu de ce plan, comparé au tintamarre médiatique ayant accompagné la nomination de Martin Hirsh et les travaux de la commission sur la jeunesse, force est de constater que le bilan est très décevant.
La mesure principale concerne l’extension du RSA aux 18-25 ans. Certes, l'intention d'étendre aux jeunes âgés de 18 à 25 ans le RSA, est louable. Cette catégorie est effectivement totalement exclue de la solidarité nationale. Le taux de pauvreté des 18-25 ans frôle les 20%, ce qui en fait la classe d’âge la plus pauvre. L’extension du RSA aux 18-25 ans est donc clairement destinée à tenter de résorber ces poches de pauvreté qui s’étendent au sein de la jeunesse. Néanmoins, il y a vraiment de quoi s'interroger sur l’efficacité réelle de cette mesure. Il tient d’abord aux limites inhérentes au RSA, mais également aux restrictions apportées à son extension. Pour en bénéficier, les 18-25 ans devront soit être en emploi mais avec des revenus leur donnant droit au RSA (qui joue ainsi son rôle de complément salarial) soit être au chômage mais avoir travaillé au moins deux ans dans les trois années précédentes. Cette restriction constitue d’ailleurs un bel exemple de discrimination selon l’âge. Au nom de quoi exiger deux ans d’activité pour les moins de 25 ans alors que rien de tel n’est mis en place pour les plus de 25 ans ? Au-delà, rien donc pour les jeunes qui sont durablement exclus de l’emploi, ceux-là même qui souvent sont sortis sans aucune qualification du système scolaire.
Si l'on avait réellement souhaité redessiner un nouveau pacte entre les jeunes et la société, pour reprendre les paroles du Président, il aurait fallu instaurer une allocation autonomie conséquente, versée à tous les jeunes, à l’instar de ce qui existe au Danemark, en Suède ou en Norvège. Versée sous forme de bourse ou de « bons mensuels » que les jeunes peuvent utiliser indifféremment pour leur formation initiale ou pour de la formation professionnelle, l'allocation d'autonomie aurait une réelle efficacité dans la lutte contre la pauvreté des jeunes. Une telle allocation représente un coût élevé, mais qui ne devrait pas être insurmontable si tous les dispositifs d’aide aux étudiants étaient par exemple refondés (bourses, aides au logement) et si l’on entamait un vrai débat sur l’utilité d’un dispositif tel que la demi-part fiscale : est-il vraiment pertinent d’aider les familles (qui ont la chance de payer des impôts) pour qu’elles aident les jeunes ? Pourquoi ne pas aider directement les jeunes ?
Au-delà, le principal enjeu demeure plus que jamais l’accès des jeunes à l’emploi. De ce point de vue, les mesures annoncées sont dans la continuité des politiques menées en direction de la jeunesse depuis des décennies. La droite procède par exonération de charges et aide les employeurs alors que de nombreuses études soulignent l’inefficacité de ces mesures et leurs conséquences sur la compression des salaires.
Au-delà des mesures annoncées, il est évident que pour résoudre la précarité des jeunes, il faudra qu'un jour notre société dans son ensemble change son regard sur les jeunes. Le changement des mentalités doit être radical pour faire évoler les choses. Cela devra passer par des mesures contraignantes visant à sérieusement limiter le recours massif aux stages et autres CDD. C’est toute la société qui est en cause et qui doit réfléchir à la place qu’elle fait à sa jeunesse. Rappelons que pendant la campagne présidentielle, Sarkozy avait promis «un plan Marshall pour la jeunesse». On attend toujours.