L’addition est tombée. Le déficit de l’Etat au titre de l’année 2009 s’élèvera à 140 milliards d’euros, ce qui représente la moitié des dépenses du pays sur une année. Il s’agit là d’une situation inédite car jamais les finances publiques n’avaient atteint des profondeurs si abyssales. La faute à qui : la crise bien évidemment ! Nicolas Sarkozy, assisté de François Fillon son plus proche collaborateur, s’empresse régulièrement de rappeler que la situation est exceptionnelle dès lors que les chiffres de l’économie contredisent ses volontés politiques, ou pour justifier des mesures gouvernementales qui n’en restent pas moins dogmatiques. Le volontarisme du président Sarkozy pour s’afficher comme le héraut de la réglementation destinée à contraindre le capitalisme mondial n’est qu’une image, pire une illusion entretenue à l’échelle internationale. La France est en effet profondément ancrée à droite comme le confirme les réformes engagées depuis le début du régime « sarkozyste ». Le bouclier fiscal par exemple n’est absolument pas remis en cause, ne serait-ce que temporairement durant cette période de disette fiscale. Cette mesure décidée avant la crise financière coûte plusieurs milliards d’euros au bénéfice des contribuables les plus nantis. La majorité actuelle se présente volontiers comme le pourfendeur des niches fiscales, certains parlementaires basculant même dans l’indécence en proposant une taxation des indemnités perçues en cas d’accident de travail, alors qu’elle a voté pour un dispositif d’exemption fiscale. Ce bouclier permettrait même aux plus fortunés d’échapper aux impôts futurs qui seraient décidés pour résorber le déficit de l’Etat. C’est le serpent qui se mord la queue, mais le venin ne tue pas la bête, bien au contraire. La solidarité nationale mise en exergue par l’Elysée semble bien ne pas être l’affaire de tous. La hausse du forfait hospitalier et la taxe carbone pour ne citer qu’elles sont autant de poids supplémentaires qui touchent les classes moyennes et accablent les foyers les plus modestes. Mais la droite française reste campée sur ses positions en privilégiant l’investissement, avec au passage la fin programmée de la taxe professionnelle sans aucune visibilité quant aux modalités de compensation de cette baisse de rentrée fiscale. Les collectivités locales ont du souci à se faire, elles qui sont déjà égratignées par l’opinion au sujet de la hausse des impôts locaux pourtant nécessaire pour couvrir une décentralisation voulue par l’Etat mais qu’il ne finance pas. L’entreprise est certes en difficulté, la faute aux vilains banquiers dit-on, et il convient de la soutenir. Mais encore faut-il, d’une part que ses clients aient les moyens de consommer ses produits ou services, d’autre part qu’elle satisfasse à une certaine éthique. La baisse de la TVA dans la restauration démontre bien que les bonnes intentions s’estompent parfois bien vite une fois le gâteau obtenu. Mais de cela on parle très peu, la communication présidentielle préférant se concentrer sur le bonus des traders, dont l’immoralité de certaines pratiques est incontestable, mais qui ne représente qu’un épiphénomène dans le système financier mondial. Ne fallait-il pas plutôt s’attaquer à un secteur qui ne connaît plus la crise, qui paradoxalement est celui des marchés financiers. En effet, le CAC40, indice phare et représentatif de la santé de la Bourse, a retrouvé ses plus belles couleurs et la défiance généralisée des acteurs financiers n’est plus qu’un vague souvenir. Une taxation des mouvements boursiers serait équitable, en rééquilibrant l’imposition entre les salaires et le capital, et constituerait une mesure symbolique forte en direction des ménages. On ne gère certes pas un pays avec des symboles mais une réforme emblématique vectrice de justice fiscale emporte l’adhésion du plus grand nombre et rétablit ainsi la confiance. Mais la droite sur ce terrain s’enferme dans le dogme. Il ne faut pas taxer les marchés boursiers car dit-on, ils contribuent au financement de l’économie. Très bien, mais alors que la Bourse poursuit sereinement une nouvelle ascension, pourquoi donc les entreprises françaises, et plus particulièrement les PME, ont elles autant de mal à disposer aujourd’hui de liquidités. La crise démontre qu’il s’agit là d’un argument fallacieux. L’argent ne s’évapore pas, il change seulement de main. A charge pour l’Etat d’établir une répartition juste pour éviter que certaines poches soient trop pleines au détriment d’autres. Une taxe sur les flux financiers, qui représentent chaque jour des sommes considérables, participerait à cette équité. Au lieu de cela, le président Sarkozy manque d’audace, jusqu’à se confondre dans le lancement d’un emprunt national appelant les français à la solidarité nationale, comme si ceux-ci ne payaient pas déjà suffisamment. Cette levée de fonds serait destinée à financer notamment des investissements nationaux à grande échelle pour relancer la machine économique, et non à combler les trous du budget national. Il est permis d’en douter car Nicolas Sarkozy nous a déjà habitués à plus d’une volte-face. Cette manne financière arrivera surtout à point nommé pour couvrir d’éventuels déséquilibres budgétaires jusque 2012, histoire pour notre Président de ne pas perdre la face et de tenir jusqu’à la prochaine campagne présidentielle.