L'alexandrin,
les rimes, etc., ont leur noblesse, qui est de marquer tout le mépris qu’on
doit avoir pour ce que le commerce des gens appelle sa "pensée", et
dont ils ignorent que les conditions ne sont pas moins futiles, ni fortuites
que les conditions d’une charade.
Les règles nous enseignent par leur arbitraire que les pensées qui nous
viennent de nos besoins, de nos sentiments, de nos expériences, ne sont qu’une
petite partie des pensées dont nous sommes capables.
La poésie a pour devoir de
faire du langage d’une nation quelques applications parfaites.
Les vers.
La puissance des vers tient à
une harmonie indéfinissable entre ce
qu’ils disent et ce qu’ils sont. « Indéfinissable » entre
dans la définition. Cette harmonie ne doit pas être définissable. Quand elle
l’est c’est l’harmonie imitative, et
ce n’est pas bien.
L’impossibilité de définir
cette relation, combinée avec l’impossibilité de la nier, constitue l’essence
du vers.
Ce vers, le plus beau des
vers : Le jour n’est pas plus pur,
etc. est transparent comme le jour même.[1]
Celui-ci : Ô rêveuse, pour que je plonge... avec
ses muettes si délicates. [2]
Le poème − cette hésitation
prolongée entre le son et le sens.
Paul Valéry, Rhumbs, dans Tel Quel, Œuvres, tome II, Pléiade, 1960, p. 636, 636, 637 et 637.
[1] Racine, Phèdre, acte IV, scène 2
[2] Premier vers d’un poème de Mallarmé, Éventail
(mis en musique par Debussy).
Contribution
de Tristan Hordé