"Ne pas laisser s'éteindre les voix des victimes de la Shoah"
- Saul Friedländer
En clôture de la Foire du livre de Francfort, l'historien juif Saul Friedländer a reçu le prix de la Paix des libraires allemands.
Lors de la cérémonie organisée en l'église Saint-Paul de Francfort, il a appelé à ne pas laisser s'éteindre les voix des victimes de la Shoah. "Lorsque nous écoutons ces cris, il ne s'agit pas d'une commémoration ritualisée", expliquait M. Friedländer. Les documents personnels des victimes "nous touchent justement parce qu'elles sont entièrement sans défense, innocentes, et que leur désespoir est si solitaire", commentait le lauréat de 75 ans dans un discours d'acceptation très personnel, au cours duquel il lut des extraits de lettres de ses proches assassinés.
L'historien a reçu ce prix renommé pour son travail scientifique sur l'extermination des juifs européens à l'époque du national-socialisme. Ses ouvrages sont "d'une grande exactitude documentaire, d'un style assuré et compatissant", a relevé le jury. M. Friedländer a "rendu aux victimes la dignité que l'on leur avait dérobée, et dont la reconnaissance constitue la base de la paix entre les hommes."
Dans son panégyrique, le président de la Fondation Alexander von Humboldt, le germaniste munichois Wolfgang Frühwald, a décrit M. Friedländer comme un "historien israélo-américain, qui a grandi dans une famille juive libérale de langue maternelle allemande, a été baptisé dans sa cachette française et a décidé en 1946 (...) d'être juif." Après avoir choisi de partir en Israël en 1948, M. Friedländer vit aujourd'hui la majeure partie de l'année aux Etats-Unis. Ses trois enfants et quatre petits-enfants vivent en Israël et à Berlin.
M. Friedländer a déclaré accepter cette distinction "avec grande humilité". Ses parents, dont il a cité les lettres, et l'une de ses tantes sont décédés en camp de concentration. La dernière lettre écrite par ses parents et jetée du train qui les emportait vers le camp était particulièrement touchante. Ils écrirent cette lettre à la Française qui sauva la vie du gamin de dix ans en le plaçant sous un faux nom dans un internat catholique. "Si nous devons périr, nous aurons le grand bonheur de savoir que notre enfant chéri est sauvé", avait écrit le père dans une précédente lettre.