Dans la longue liste des albums attendus depuis bien trop longtemps, quelque part entre The Seventh Seal de Rakim et Detox, il y a Kamaal The Abstract. A l'origine, ce second album (théorique) du leader des Tribe Called Quest devait sortir Printemps 2002, au beau milieu d'une période où le mouvement Soulquarian marchait sur de nouvelles pistes avec des albums tels que Phrenology des Roots, Electric Circus de Common, Hard Groove de Roy Hargrove ou Worldwide Underground de Erykah Badu.
Qu'est-ce qui a fait que cet album conceptuel n'a pas vu le jour à ce moment-là, ce n'est un secret pour personne : les dirigeants de son ancienne maison de disque arguaient le fait qu'il n'était par marketable. L'excellente musique n'est pas marketable ??? Absurde ! Fort heureusement l'extrait « Feelin » a pu effectuer quelques passages sur des radios spécialisées, comme Nova en France, et Kamaal The Abstract est devenu un album vivement réclamé. Il aura fallu attendre plus de sept années pour que justice soit rendue. Alleluia !
Cover originale
D'abord, pour comprendre la signification de l'intitulé : Kamaal pour son prénom, The Abstract pour son surnom. Cet opus enregistré durant l'année 2001 est risqué d'un point de vue artistique, car il déborde du cadre de la musique hip-hop, mais pas si expérimental dans le sens où il ne s'agit pas d'un théâtre d'expériences bizarroïdes ou psychédéliques, soyez rassurés, rien de tout ça.
Accompagné par plusieurs musiciens, car cette oeuvre est exclusivement jouée avec des instruments, Q-Tip ouvre une très large fenêtre sur la musique urbaine en donnant vie à de véritables instrumentaux jazz/funk contemporains. « Feelin » décrit parfaitement ce que Tip a voulu faire de sa musique : mélanger toutes les influences qui ont déterminé sa vision de la musique et ses compositions (entre jazz, rock, un tout petit peu d'électro, soul et disco) avec une saveur lounge proche du nujazz pour la touche de modernité. Il nous emmène là où il veut nous faire voyager.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Kamaal The Abstract est accessible à tous. Que l'on connaisse ou non Q-Tip, cet album se destine à tous les passionnés de Musique Noire Américaine. On l'entend rapper sur « Abstractionnisms » feat Kenny Garrett, « Feelin », « Even If It Is So » et la bonus track « Make It Work », très Tribe Called Questien dans l'esprit. On peut même en deviner d'après ce titre les premières esquisses de The Renaissance. Si c'est surprenant d'entendre Q-Tip chanter, ça paraît tellement naturel de sa part que l'on se laisse guider par ses paroles. Moi-même j'ai été épaté par sa performance sur l'interlude « Caring », le suave « Blue Girl » et « Barely In Love », autre réussite de cet album, imparable dans la façon dont il entraîne l'auditeur avec un style rock tendance motownien.
Impossible de s'ennuyer avec lui, même durant les sept minutes de « Do You Dig U? ». Q-Tip donne du mouvement à sa musique. Aussi raffinée et enjouée soit-elle, elle nous emmène là où lui et ses musiciens décident de nous emmener, révélant à chaque fois ses subtilités. Chacune de ses chansons est un exquis moment de réjouissance.
Chez Q-Tip, tout s'apprécie : son flow, ses lyrics, ses beats (peut-être pas sa voix) et maintenant sa propre musique, celle dont on n'a été privé durant tout ce temps et que l'on découvre aujourd'hui. Kamaal The Abstract, ou le tableau caché d'un artiste d'exception enfin dévoilé au public, une excellente vendange 2001 sorti de bouteille après 8 années...