C’est en voyant les dernières égéries masculines choisies par les grandes marques que je me suis demandé si le temps la gué-guerre entre les gueules d’amour et les gueules tout court n’était pas de retour avec notre Cassel national en première ligne dégainant son regard Messrine entouré de beautés fatales, pour une grande marque de luxe. Même le (futur ex) sublime Brad Pitt semble s’excuser d’être beau gosse en adoptant la carte de l’humour (et de l’embonpoint ?) en jouant à contre emploi le majordome pour sumos, suivant là de très près le toujours-tombeur-mais-qui-se-la-raconte-pas Clooney.
Pour les filles le problème ne se pose même pas, ce sera des bombes ou ce ne seront pas. Les cinéastes s’encombrent rarement de gueules, il est d’ailleurs assez rares que les casteurs remontent jusque là. Il n’y a d’ailleurs à peu près qu’Aldmodovar, enfin pardon Monsieur Almodovar pour oser une Rossy de Palma et lui faire crever l’écran. Les autres « pas belles » sont souvent des fausses moches enlaidies pour garantir une happy end aux mauvais films pour teenagers ou pour (re, re et re)mettre en scène le complexe de ce bon vieux Pygmalion… l’inoubliable My fair Lady en tête de liste.
Mais pour en revenir aux mâles, la rivalité n’est pas une nouveauté sur nos grands écrans. Le clivage belle gueule – grande gueule vient (trop ?) souvent souligner l’intrigue. Bah oui, le spectateur étant trop bête pour comprendre l’histoire de lui-même, les responsables de casting ont décidé de les aider un peu. Après tout c’est connu les beaux gosses ne sont jamais ni cons ni gangsters… Dieu merci la caricature s’est arrêtée avant qu’ils ne se sentent obligé de coller un tee-shirt « Méchant » sur le méchant.
Jusqu’aux années 80, et mis à part certaines exceptions, oui parce que j’en vois déjà certaines (re)tomber en pamoison devant Delon-jeune, les acteurs avaient surtout des gueules et du charme. Point besoin d’être un Apollon pour transporter plusieurs générations de femelles, il suffisait de s’appeler Harrison, Sean, George et un niveau de testostérones à vous faire exploser le compteur Geiger.
Bon on avait aussi vaguement Tom Cruise au rayon sourire Colgate. Mais c’est la génération Johnny Deep et la tribu d’Ocean 11 qui ont radicalement remis la belle gueule à l’honneur au cœur des box office. Encore qu’on misait à ce moment là un peu plus sur le charme que sur la régularité des traits. Dans sa catégorie Brad Pitt a d’ailleurs endossé le costume du coupable idéal de la beau gosse attitude et du délit de belle gueule. Saluons au passage avec respect ses choix cinématographiques qui l’ont fait sortir des films de fifilles du dimanche soir (Légendes d’automne pour ne pas le citer.) pour des rôles un peu moins ténus.
C’est ensuite que tout se gâte avec une vraie recrudescence de Ken sur nos grands écrans. Stars aussi éphémères qu’imberbes, une nouvelle génération remplit désormais les salles obscures de midinettes sans toutefois émouvoir les femmes plus de 30 ans. Car à moins de tripper sur les potes de son petit frère, ces héros là manquent du charisme des bad boys, de la malice des semi-beaux, de l’ironie des pas-parfait, voire même de l’auto dérision des pas-beaux-mais-rigolos.
Reste donc à attendre encore quelques années pour voir si la génération montante de ces starlettes à minettes, ces Brendan Fraser, Elijah Wood, Chace Crawford, Robert Pattinson et autres nymphettes vieilliront aussi bien que nos messieurs testostérones : ces Sean Connery, Harrison Ford, John Malkovitch, Daniel Craig, Nicolas Cage ou autres Travolta, Will Smith, Benicio del Toro, Javier Bardem… Après tout c’est tout le mal qu’on leur souhaite !
Et pour nous public, c’est le retour du choix cornéliens entre Dany Wild et Brett Sinclair, c’est le combat de coq entre beauté et virilité. Oui je sais je caricature, mais rien qu’un peu car personnellement mon choix est déjà fait et je crois fermement à l’adage : les gueules sont comme les bons vins, elles se bonifient en vieillissant.