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Le Darfour, le réchauffement climatique, la grippe A, la vache folle, le lait à la mélamine, et récemment la mort de Michaël Jackson... Overdose !!! Informer est une noble tâche. Quand on lit le Code de Déontologie de la Société des Journalistes professionnels, cela ne fait aucun doute. Quelques exemples de ce texte, pour le plaisir :
“La liberté de la presse est un des fondements de la démocratie. Les journalistes se doivent de rechercher la vérité et de l’exposer. Ils doivent s’abstenir de souligner un élément hors de son contexte. Le rôle du journaliste est de raconter l’Histoire de la diversité et de l’expérience humaine hardiment, même lorsque le sujet est impopulaire. Un journaliste se doit d’examiner ses propres valeurs culturelles et d’éviter de les imposer aux autres. Il doit agir indépendamment et être responsable.”
En lisant ces affirmations, présentées comme les règles de bonne conduite de la profession journalistique, j’ai bien cru que j’allais m’étouffer tant les propos de ce texte me semblent en parfaite opposition avec la pratique du métier. Voyons dans le détail.
La liberté et l’indépendance de la Presse tout d’abord : il s’agit là d’un bel idéal. Mais que devient la liberté quand les journalistes doivent avant tout éviter de déplaire à leurs sponsors, leurs annonceurs, sous peine de perdre leurs appuis financiers ? Dans notre société de consommation, rares sont ceux qui travaillent pour la gloire. Aussi peut-on supposer que les projecteurs sont généralement orientés sur ce qui gêne le moins.
Pour ce qui est de rechercher la vérité et de l’exposer sans la déformer, je trouve que le principe même d’angle journalistique ne facilite pas l’atteinte de ce but. Ce que les journalistes recherchent en premier lieu est d’accrocher le lecteur, le téléspectateur ou l’internaute. Il n’y a qu’à voir le reportage bidonné diffusé par M6 dernièrement sur les maisons-minute pour s’en persuader. A partir de là, comment peut-on croire que des sujets impopulaires pourraient être mis en lumière ? Si ça ne plaît pas, les boîtes de production refusent de financer le reportage, les chaînes de télé n’achètent pas le sujet, les gens ne cliquent pas sur le lien.
Quant au fait de ne pas imposer son opinion aux autres, c’est tout bonnement impossible. Ceci pour la simple raison que l’objectivité parfaite n’existe pas. On peut bien s’efforcer d’être le moins partial possible. Mais rien que le choix d’un sujet au détriment d’un autre constitue un biais. Ces dernières années ont vu une véritable course au scoop s’instaurer entre les différents médias. Quand un quotidien fait sa Une sur un grand événement vendeur, hop, tous les autres en font de même. Tant et si bien que sur notre planète peuplée de milliards d’habitants, on a pu avoir l’impression le jour du décès de Lady Di, qu’il n’y avait plus ni guerre, ni faim dans le monde, ni découverte scientifique, tant tout ce qui n’était pas elle fut passé sous silence.
Pour créer des mouvements de panique et modifier les comportements des gens, les journalistes sont très forts aussi. On nous a fait bouffer de la grippe aviaire, de la vache folle, du maïs transgénique et autres SRAS et risques de tsunamis sur les côtes méditerranéennes. Il faut du chaud, du nouveau. Tout ce qui dure fatigue.
Au bout d’un moment, même la pire des guerres, l’injustice la plus criante finit par être aphone. Et l’on passe à autre chose. Car telle est la loi de l’audimat. Le journalisme n’est plus une vocation, c’est de plus en plus un commerce dont les dirigeants sont en chemise avec les détenteurs du pouvoir politique. Etre journaliste, ce n’est plus informer, c’est surtout manipuler l’opinion publique.
Attention, je ne mets pas tous les oeufs dans le même panier. Il y a parmi les journalistes des gens à l’éthique irréprochable. Mais pour aider ceux-là à faire leur boulot sans vendre leur âme au diable, le public doit savoir s’intéresser aux vrais sujets. Car après tout, continuerait-on à nous bassiner avec Paris Hilton si son nom ne faisait pas grimper les ventes de magazines people ?
Alors lecteurs, prenons nos responsabilités, arrêtons de lire et d’acheter les torche-cul qui mériteraient de finir en rouleaux plutôt que sur les linéaires des buralistes. Tout part de nous...