Les incidents de télécommande et autres
Le hasard a donc fait que, pour la seconde fois cette année (mais c'est encore trop peu, je suppose), je passe ma soirée scotchée devant Arte, à découvrir le rayon de soleil allemand Sonnenallee.
Arte + film allemand + mur de berlin.
A priori, pas la combinaison gagnante me concernant.
Et pourtant...
A l'Est, rien de nouveau...
..ou presque. Mes cours d'histoire-géo sont déjà loin, bien loin (non, je ne suis pas si vieille), et les seules réminescences que j'en conserve, concernant l'Allemagne d'après-guerre, demeurent
l'écho d'un ennui mortel. On aurait sans doute pu nous passer ce film en classe plutôt que de nous gonfler avec des schémas pourris nous expliquant bien laborieusement pourquoi et comment
l'Allemagne s'est retrouvée coupée en deux, traversée par un mur de béton, et pourquoi, tandis qu'à l'Ouest c'était la java, à l'Est, on broyait du noir. Ici, l'action se déroule dans un quartier
de Berlin (Est) nommé Sonnenallee - l'allée du soleil - qui a la double particularité de jouxter un poste de frontière, et d'être coupée en deux par le mur. C'est là que vivent Micha, un ado de
17 ans, ses parents, son oncle, et ses amis. A quelques dizaines de mètres seulement de "l'autre côté" et des tentations qu'il représente. De sa fenêtre, il peut voir sans peine au-delà du mur,
et rêvasser à cet el dorado culturel que la Stasi leur refuse à l'Est. L'Allée du Soleil fait donc grise mine, entre ses blocs de béton armé et ses règles strictes en accord avec le Parti. La
promiscuité du mur, et des ouest-allemands, paraît insupportable, quand on y pense. La différence du niveau de vie, les inégalités flagrantes, sont criantes, accentuées par les moqueries qui
parviennent à Micha et ses amis de l'autre côté du mur. A l'Ouest, on s'amuse. A l'Ouest, on raille. A l'Est, on fulmine. Mais on a des idées.
Ce qui frappe tout particulièrement, finalement, c'est la démonstration brillante du film, selon laquelle, la frontière la plus visible et évidente - le mur - n'est pas nécéssairement la plus mal
vécue. D'autres frontières, internes, s'érigent, séparant parents, amis, collègues, et s'avèrent d'autant plus difficiles à supporter. Car chacun, en secret, se berce d'illusions individuelles
qui oublient les autres. Les frontières, alors, n'ont plus besoin de blocs de ciment pour émerger de terre.
Malgré tout, la nécéssité est mère de créativité, comme chacun sait, et la privation, le manque, les restrictions constantes à l'Est y font éclore d'autres formes de liberté. D'autres fenêtes sur
l'extérieur. D'autres formes d'évasion.
Let the sunshine in
Tiré d'un roman de Thomas Brussig, Sonnenallee a pour lui l'énorme
avantage d'être un film à part dans le récit du clivage allemand. Récit enlevé, léger, décalé et drôle, il donne à voir ce à quoi la jeunesse Est-allemande aspirait alors, ce à quoi elle occupait
ses journées, ce à quoi elle rêvait. Et force est de constater que tous n'étaient pas obsédés par l'idée de passer de l'autre côté, ni par la nécéssité de se comporter en accord parfait avec la
politique intérieure. Les jeunes d'alors étaient comme tous les jeunes ailleurs: ils avaient des préoccupations bien plus essentielles, telle que séduire sa voisine d'en face, ou se procurer le
dernier 45T des Rolling Stones. En même temps que leur soif de vivre se fait de plus en plus pressante, un vent de contestation souffle sur leur petit groupe, se manifestant par une irrévérence
bon enfant et une insolence culturelle jugée dangereuse au sein du Parti. Leur enthousiasme, leur créativité débordante et leur expression du désir déborde de chaque plan, toujours sur un ton
enlevé, à la fois poétique et désopilant, entre situations cocasses et petits tacas de la vie quotidiennes qui, ici, prêtent à sourire (l'arrivée du téléphone à la maison...), à l'instar de cette
formidable beuverie organisée chez l'un d'entre eux, jubilatoire. Véritable manifeste du désir adolescent à l'Est, les aventures contées par Micha (affublé de la voix française de Zac Efron) se
révèlent grisantes, ennivrantes, et nous donne presque à envier ces "nécéssiteux culturels", à qui rien n'était donné, et pour qui le seul combat était de prendre, à tout pris, et de profiter de
chaque instant. Une fièvre adolescente aujourd'hui évaporée, enfouie sous le libre-accès et l'excès médiatique et technologique. Force est de constater, en regardant Sonnenallee, que nous avons perdu ce goût de vivre pour ces petits riens qui en faisait beaucoup, et que, quelque part, le
soleil brillait bien d'avantage dans les rues grises de Berlin Est, à l'image d'un final galvanisant au possible. Pour un résultat somme toute un brin nostalgique.
Un film rock, dans le vent, même à l'Est.
A noter: rediffusion le
26/09 à 00h50 et le 27/09 à 15h30.
EN BREF:
*Indice de satisfaction:
*1h32 - Allemand - by Leander HauBmann - 1998
*Cast: Alexander Beyer, Alexander Scheer, Katharina Thalbach, Robert Stadlober, Teresa WeiBbach...
*Genre: Let the sunshine in!
*Les + : L'ambiance survoltée, l'enthousiasme permanent, la fièvre adolescente, la B.O. génialissime, le
casting épatant...
*Les - : Un découpage parfois étrange, peut-être...
*Liens: Fiche film Allocine
*Crédits photos: © Boje Buck Filmproduktion