notreauber
Notre Auber qui
êtes Jussieu
Que Simplon soit Parmentier
Que Ta Volontaires soit Place des Fêtes
Que Ton Rennes arrive
Sur Voltaire comme Courcelles
Donne-nous Galliéni notre Havre-Caumartin
Et ne nous soumets pas à la Convention
Cambronne-nous nos Défense
Comme nous Odéon à ceux qui nous ont Maraîchers
Délivre-nous des Halles,
Miromesnil.
*
testament
J’ai crié famine, je n’ai eu que la peau et les os, j’ai tenu en mon bec
un fromage, j’ai mangé tout à loisir, j’ai tété encore ma mère, j’ai ouvert un
large bec, je ne me suis pas senti de joie, j’ai travaillé, je suis devenu
grand, j’ai pris de la peine, j’ai fait venir mes enfants, je leur ai parlé
sans témoins, j’ai plié, je n’ai pas rompu, j’ai eu besoin d’un plus petit que
moi, je me suis contenté de celui-là de peur d’en rencontrer un pire, je me
suis évertué, j’ai été un foudre de guerre, j’ai trouvé un plus poltron que
moi, je n’ai pas été de ceux qui disent : « Ce n’est rien, c’est
une femme qui se noie », j’en ai été fort aise, j’ai laissé tomber ma
proie, je me suis consolé, je me suis hâté avec lenteur, j’ai chanté tout
l’été, j’ai fait beaucoup de bruit, j’ai dansé maintenant, je n’ai rien fait
avec grâce, j’ai accouché d’une souris, j’ai repris mes chansons et mon somme,
je n’ai pas été prêteur, j’ai rendu les cent écus, je n’ai pas voulu même à ce
prix un trésor, j’ai payé, intérêt et principal, je me suis trouvé fort
dépourvu, j’ai obligé tout le monde, j’ai été bon pour des goujats (j’ai juré
qu’on ne m’y prendrait plus), j’ai appelé tous les jours la mort à mon secours,
j’ai été châtié de ma témérité, j’ai enflé si bien que j’ai crevé, je suis parti
à point.
*
deshabillage
Un ciré rouge vif, doublé, taille quatre ans,
Deux bottes bleu marine en caoutchouc (mouillées)
Un pantalon de jean, délavé, un peu grand,
Deux chaussettes Mickey (elles aussi trempées)
Un pull en laine écrue qu’on t’a mis à l’envers
Un petit slip blanc marque Petit Bateau
Un tee-shirt en coton bleu tirant vers le vert
Parsemé de cent taches de fruits ou de gâteau.
J’en fais un petit tas qui part à la machine
Qui fait à l’essorage un bruit d’hélicoptère
(C’est-à-dire plus encore que ce qu’on imagine)
C’est pas si compliqué d’être heureux sur la Terre
C’est quatorze kilos dans un drap de coton
C’est ta main dans la mienne et ma joue sur ton front.
*
toutpetitpoème
tout petit poème sauve-moi
tout petit poème aide-moi
dans la jungle il y a le vrai tigre
et tant d’heures dans un vrai jour
toi tu es si petit mon poème
si petit et si grande ma peine
sois courageux pour deux petit poème
sois fort sois doux fais-toi beau vraiment beau
sois le plus beau des petits poèmes
de tous les petits poèmes
regarde comme je l’aime
et vois vois tout ce que je te donne pour ta route
range tout bien
ne perds rien sur le chemin
je sais que tu n’es pas grand-chose
et que dehors il y a l’absence et le tigre et la vie
mais tu es tout ce que j’ai ma sentinelle de papier
alors
tu dois l’attendre elle viendra bien un jour
elle te prendra elle te lira
ce jour-là tiens-toi droit ne pleure pas
fais juste ce que je t’ai dit rien de plus
offre-lui tout ce que tu as tout
tes syllabes tes mots de rien
et puis parle-lui avec ma voix tu la connais
comme je l’ai fait la dernière fois tout bas
tu dois avoir confiance en toi en elle en nous
n’aie pas honte d’être si petit
un brave petit poème comme toi ça peut tuer les tigres
un brave petit poème comme toi ça peut sauver l’amour
tout petit poème aime-la
sauve-nous tout petit poème
Hervé Le Tellier, Zindien, p.47, 45,
18, 60-61, éditions Le Castor Astral (2° édition augmentée 2009)
Contribution d’Ariane Dreyfus