L’excellente revue Nature & Progrès (un article sur les huîtres tripolïdes qui mériterait d’être prochainement sur eco-SAPIENS), les dossiers consciencieux de La Revue Durable, et, pour le plaisr du naturaliste en herbe que je suis, la géniale revue (également suisse) La Salamandre.
Dans le dernier numéro, consacré au sureau, il y avait un CD audio offert. J’avais bien tilté sur ce nom qui m’était familier de Pierre Lieutaghi, mais ne sachant quand trouver une heure d’attention (ô misère des temps présents que de manquer de temps présent…) le CD a rejoint un coin poussiéreux d’armoire poussiéreuse.
Reporté sine die.
Mais ce week-end, après avoir ramassé quelques faines pour les faire griller, j’ai trouvé cette heure de disponibilité.
Si j’avais plaisir à lire l’ethno-botaniste dont j’ai déjà parlé ici, j’en éprouve davantage à l’écouter. L’homme est malin, d’un savoir ecyclopédique (» c’est parce que j’écris» répond-il simplement à ce compliment) et dit des choses remarquables sur la nature. Loin des banalités, Bien loin des banalités.
J’ignore si l’on peut se procurer ce reportage radio autrement que par La Salamandre (sinon abonnez-vous !) mais je crois que les réflexions amenées innocemment par Pierre Lieutaghi sont capables de déboussoler le plus culotté des « défenseurs de la nature» .
Bien entendu, il ironise sur les arbres en ville qui, à force d’habitude, sont devenus un « mobilier urbain qui a la bonté de faire des feuilles« . Mais il décèle bien que chez chaque être humain, il existe encore un lien inconscient au vivant.
Exemple: vous attendez dans la salle d’attente du dentiste et vous vous interrogez sur la plante en pot. Est-ce une vraie ? Est-ce une fausse ? Discrètement, vous tentez de casser une foliole pour jauger la marchandise. Quelle déception, quel sentiment de vide quand vous comprenez que c’est un ersatz. Quel sentiment de sérénité et d’apaisement quand vous voyez que la plante est bien réelle.
Pour Pierre Lieutaghi, la Nature est avant tout productrice de signes. Plus il y a de signes, plus on peut faire des relations. Et plus on peut développer l’intelligence. Conclusion numéro un : l’atteinte à la biodiversité, c’est bien l’atteinte à l’intelligence ! Conclusion numéro deux: le vivant est encore capable d’interpréter ces signes.
Les exemples classiques des chiens broutant la pariétaire ou du mouton la fougère pour soigner tel trouble ou tel parasite doivent être compris en ce sens. Le savoir « vivant» existe et l’être humain a sa propre manière de conserver ce savoir.
Bien entendu, en 40 ans, ce savoir semble s’être effondré (qui sait encore ce qu’est du plantain ?) mais la mémoire collective survit par d’autres moyens. Il ne faut pas idéaliser le passé, croire que les Anciens connaissaient toutes les plantes.
Bien entendu, les remèdes de bonne fame étaient mieux partagés mais bien entendu aussi, comme on ne pouvait tout savoir, on allait voir les voisins pour demander avis sur comment soigner tel syndrôme. Et si le voisinage n’avait pas la réponse, on avait le guérisseur. Et si le guérisseur ne marchait pas, on cassait la tirelire pour voir le medecin.
Aujourd’hui, l’ordre s’inverse. On va d’abord voir le médecin (Sécurité sociale aidant). Quand ca ne marche pas, on va voir le guérisseur moderne (ostéopathe, médecines douces…). Et en dernier recours, on consulte l’environnement immédiat… à savoir Internet (doctissimo…)
Pierre Lieutaghi dit qu’il faut regarder le vivant avec une attention émue. C’est la meilleure définition de l’écologie que j’aie jamais entendue !