Aux yeux des occidentaux, en revanche, les asiatiques apparaissent imprévisibles, leur opacité est telle qu'il est difficile de prévoir leur coup d'après, ce qui va emporter leur décision. Leur rapport au temps est beaucoup plus "fataliste".
D'un côté, expérimenter la force que donne une préparation minutieuse, la planification en amont, qui balise des chemins qu'il ne reste plus qu'à emprunter. De l'autre, la capacité à se positionner et à réagir, sans idée préconçue, face à la position adoptée par l'adversaire ou à de nouvelles circonstances – attendre en somme que l'ouverture se présente.
Forçons le trait. D'un côté l'opportuniste aux aguets, prêt à saisir l'occasion d'avancer, à profiter d'un avantage, d'une situation nouvelle, pourvu que la situation soit mûre. Il est plus attentif au processus qu'à la procédure. De l'autre, l'homme de projet, parfaitement "bordé", mais qui peine à lever son regard du plan qu'il a dessiné, qui recherche dans la réalité les points de conformité par rapport à ses projections, oubliant d'autres facteurs qui pourraient se révéler d'un grand intérêt.
Ce sont deux logiques que nous pouvons chercher à concilier. Toute approche du changement doit intégrer ces deux niveaux de lecture de la réalité. Créer un point fixe dans notre paysage mental (un objectif) est un moyen sûr de concentrer notre énergie pour l'atteindre. Mais plus nous le fixons, plus une modification de notre plan de vol deviendra difficile à concevoir. En cas d'accident de parcours, de déviation inattendue, on cherchera sans cesse à corriger la trajectoire, pour revenir en ligne avec le plan d'origine. On risque de rester fixé sur le passé (sur un objectif dépassé), bref, de consacrer une part considérable de son énergie du système à "coller" à un modèle prédéfini. Certains événements changent les enjeux, ou les règles du jeu. S'en apercevoir vite, c'est se donner la chance de s'adapter à l'inédit.