Europe « ici et maintenant »
Signe des temps et d’une Europe qui progresse malgré tout, le Président renouvelé de la Commission Européenne aura dû convaincre avant -et non se chercher des idées après- afin d’assurer sa réelection pour les 5 années à venir. Qu’il soit donc permis aux uns et aux autres de lui souffler encore conseils et suggestions…
Notre conviction reste que l’Europe s’est toujours mieux portée en puisant sa légitimité dans une dynamique de projet. Si parmi les pères fondateurs, la figure de Jean Monnet émerge, c’est que l’Europe lui doit plus qu’à tout autre ce gène de « pragmatisme ambitieux » si caractéristique des impulsions de 1951 et 1957. L’incrémentalisme pratique est, selon nous, la seule méthode qui rapproche sans arrières pensées les peuples du continent.
Au delà de l’opposition entre souverainistes et fédéralistes, n’oublions pas celle qui distingue les pro-européens qui réussissent de ceux qui – voulant trop bien faire – échouent à mobiliser.
Action contre incantation…
Cessons un instant de rêver à une Europe politique conçue comme le retour à quelque unité originelle perdue. Qu’on le veuille ou non, les nations demeurent toujours actuellement l’horizon citoyen commun. Aucune baguette de commissaire ne les dissoudra en une nuit. Mais en attendant, le disque dur européen a bel et bien besoin d’un reformatage, si du moins l’on veut réenclencher le mouvement politique européen. L’apprentissage d’une vie politique clivée et démocratique représente un travail historique et militant de longue haleine. Nous nous efforçons, avec le mouvement Sauvons l’Europe, d’y contribuer pour convaincre d’asseoir à nouveau la dynamique européenne sur des projets à construire, des solidarités communes, quotidiennes et surtout populaires à découvrir, des nouvelles réussites à inventer, à tous ou à quelques-uns.
Mais faute de projets, le traité de Lisbonne risque bien de représenter un point final et non un nouveau départ ! Nous verrions alors l’Europe du xxie siècle se limiter à la difficile et jalouse gestion au cas par cas de chocs politiques et économiques exogènes ! Déception, car nous préférerons toujours l’Europe de Bruxelles à celle de Versailles.
Aujourd’hui comme hier, la dynamique des ambitions et des projets nourrit l’intégration européenne et non le contraire. Nous restons convaincus que les diverses sanctions démocratiques de ces dernières années, notamment envers la social-démocratie, s’expliquent bien plus par le défaut de perspectives et d’ambitions, les lacunes des réalisations qui frappent le quotidien des jours, que par le manque de talent de nos constitutionalistes et fédéralistes européens !
Aujourd’hui comme demain se pose une double question : faire quoi ? Avec quoi ?
Des réponses pragmatiques et ambitieuses
Du côté des projets, il nous faut acter que le « cycle delorien » est maintenant clos. Ce cycle aura représenté une habile et féconde alliance entre « vents libéraux », « intégration européenne » et « solidarités actives ». Ce cycle aura également connu sa zone d’ombre avec les faibles acquis de l’Europe sociale, projet trop souvent sans majorité politique et finalement sacrifié de facto sur l’autel libéral d’un élargissement sans approfondissement. Immolé par tous, y compris une famille sociale-démocrate européenne ici au cœur de ses contradictions.
Pourquoi, dans ces conditions, ne pas continuer le marché et la monnaie uniques par un espace économique européen durable (E3D) qui traduirait une volonté collective de traiter conjointement et positivement les défis de l’environnement de l’immigration et de la valeur ajoutée réelle de nos économies ? Ce programme pourrait avoir sa déclinaison en matière budgétaire et législative avec notamment les promesses d’une citoyenneté économique européenne ouverte sur l’espace méditerranéen ou encore celle d’un bouclier industriel européen pour offrir à nos citoyens la sécurité économique et sociale qu’ils sont tout de même en droit d’attendre de l’Europe. Parce qu’il s’agirait là d’une forme extrêmement concrète de solidarité à l‘échelle européenne, nous pensons qu’E3D aurait un mérite pédagogique, une vertu politique que les innombrables campagnes de communication peinent actuellement à atteindre. A condition, naturellement, que pour une fois nos médias et leaders nationaux visent plus loin que le faubourg Saint-Honoré ou le Cap Nègre.
Sur la question, essentielle, du budget, nous formulerons deux remarques. La crise financière accélère encore la problématique du passage de relais depuis des budgets nationaux exsangues vers un budget européen encore vierge de toute dette (et de tout impôt !). L’opération ne manquera pas de s’imposer au delà des postures des uns et des autres. Nécessité fera loi. Soyons réalistes, ce n’est pas en brûlant nos acquis sociaux que nous ramènerons nos finances publiques à l’équilibre, mais en acceptant de transférer au niveau européen le coût de certaines de nos charges régaliennes. D’autre part, il est temps pour l’Europe de passer de l’arme normative qui abat les frontières à l’arme budgétaire qui fédère l’action commune et confère une identité dans le monde global.
Le pragmatisme ambitieux contemporain, nous paraît se dessiner comme tel. Attendons maintenant de voir si la nouvelle Commission retiendra cette méthode communautaire, ici à peine revisitée.
Henri Lastenouse, Yohann Abbiven, Fabien Chevalier
Animateurs Sauvons l’Europe.org
Benoit Thieulin, fondateur La Netcouade