Budget 2010: l'équation impossible

Publié le 28 septembre 2009 par Juan


François Fillon existe, il le fait savoir. Dans une interview au Journal du Dimanche le 27 septembre, il a précisé les grands axes du projet de budget de l'Etat pour 2010 que le gouvernement présente au Parlement
Fillon qualifie son budget 2010 de "volontariste et vert".
L'exercice 2009 a été plombé par un déficit très lourd, pour cause de relance. Fillon noircit le tableau plus fortement qu'Eric Woerth il y a quelques jours : 140 milliards d'euros de déficit budgétaire cette année ! Le pilotage du budget est toujours politique. Le gouvernement "charge la barque" en 2009, en prenant l'excuse de la récession.
Le premier ministre promet un renforcement de l'indemnisation du chômage partiel (en portant à 1000 heures le contingent annuel d'heures autorisées), une dotation de 1,4 milliard au "Fonds d’investissement social", une autre de 1,3 milliards d'euros pour l'alternance, l'extenion des contrats de transition professionnelle, et, enfin, la mise en œuvre du plan "Jeunes" concocté par Martin Hirsch. Fillon refuse d'en préciser le financement.
Côté écologie, le premier ministre prévoit de bonifier les déductions fiscales en faveur des logements propres. Ainsi, "le taux de déduction des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de résidence principale (25 %) sera réservé à des logements bénéficiant de certification « verte » ; pour les autres, la déduction sera limitée à 20 %. De même pour le dispositif « Sellier » – l’achat de logement destinés à la location – qui va être réorienté vers les logements à bilan carbone positif."

Fillon promet également de "toiletter" certaines niches fiscales: "Aucun revenu – du travail, du capital ou de remplacement – ne doit échapper à l’impôt, ni aux contributions sociales. " Il ainsi promet de soumettre les plus-values de ventes de titres mobiliers aux cotisations sociales. En revanche, pas un mot sur le bouclier fiscal. Comment gérer la contradiction entre les promesses présidentielles de défiscalisation, et la gestion d'un déficit budgétaire abyssal ? Fillon doit faire passer a pilule au plus grand nombre qu'il va devoir payer, sans toucher pour autant aux défiscalisations successives accordées à quelques-uns.
Un plan de rigueur... pluri-annuel
Ces derniers jours, Eric Woerth a failli laissé entendre qu'un plan de rigueur de quelques 15 milliards d'euros serait nécessaire. Le ministre du budget expliquait dimanche dernier que l'amélioration de la croissance génèrerait 2 à 3 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires. Et, dans le même temps, il prévoyait une réduction du déficit budgétaire de l'ordre de 17 à 20 milliards... Faites le calcul. Il cherche donc 15 milliards d'économies l'an prochain.
Fillon reste discret sur les pistes d'économies. Il n'en mentionne qu'une, toujours la même : la réduction de 33 000 postes de fonctionnaires. A mots couverts, il promet un plan de rigueur pluri-annuel: "En 2010, nous ferons voter une loi pluriannuelle qui planifiera une baisse de la dépense publique sur plusieurs années." Dimanche soir, Eric Woerth voulait rattraper le coup, et jurait qu'il n'y aurait pas de "grand soir de la dépense" publique. Irresponsable, le ministre du budget a estimé possible de réduire le déficit budgétaire d'un point par an, sans appliquer une politique de rigueur, avec une croissance de 2,5%: "Vous remontez un peu votre impôt sur les sociétés car les entreprises vont mieux et vous augmentez votre TVA parce que l'économie va mieux". Ben voyons...
Dès 2010, de nouvelles taxes frapperont donc ménages et entreprises. Fillon promet la suppression de la taxe professionnelle, mais confirme la taxe carbone. Le déremboursement des frais de santé se poursuivra (avec la hausse du forfait hospitalier, annoncé la veille d'une pandémie grippale inédite !): "Il faut continuer les économies sur les dépenses de santé. Nous ne pouvons accepter que la santé des Français d’aujourd’hui soit financée par les Français de demain." Fillon se trompe, volontairement. En réduisant les remboursements, il ne réduit pas les dépenses de santé. Il transfère simplement davantage de coût sur le budget des malades et de leurs familles.
Imposer les indemnités journalières d'accidents de travail est également une option qui ne sera pas écartée ("pourquoi des indemnités de maternité seraient fiscalisées et pas des indemnités d’accident du travail ?"). Habilement, Fillon rappelle que cette proposition émane de Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée Nationale et grand rival de Nicolas Sarkozy. Le président français a de toutes façons entériné la mesure mercredi dernier.

Les promesses non tenues

Jeudi soir, François Fillon se félicitait, devant les parlementaires de son camp : «Nous avons mis en œuvre 80 % des engagements que nous avions pris lors des présidentielles». Le premier ministre joue sur les mots. Il a raison, c'est de bonne guerre. Sarkozy et son gouvernement ont effectivement mis en oeuvre, très tôt, les mesures fondamentales de son programme présidentiel. Et, très tôt, elles ont toutes échoué:

  • La défiscalisation des heures supplémentaires a accéléré la dégradation du marché du travail; le paquet fiscal a plombé (moins que prévu) les comptes de l'Etat, privant ce dernier de marge de manœuvre pour lutter contre la précarité croissante au moment de la crise.
  • Le bouclier fiscal n'a pas fait revenir de grosses fortunes en France.
  • Les peines planchers n'ont pas réduit l'insécurité violente (bien au contraire, cette dernière n'a cessé de progresser), mais la surpopulation carcérale a atteint un niveau inquiétant (+ 15000 prisonniers en 2 ans).
  • La réduction du nombre de fonctionnaires apparaît inutile et inefficace dans nombre de secteurs: les policiers ne comprennent pas qu'on réduise leurs troupes quand les violences aux personnes ne cessent d'augmenter depuis 2002. Les enseignants ne comprennent pas qu'on réduise leur nombre quand les classes d'âge issues du mini-baby boom des années 1998-2002 arrivent en classe.
2010 est sans doute le premier budget où l'écart entre promesse et réalité sera le plus flagrant. Certes, Sarkozy s'accrochera à quelques symboles (le travail le dimanche, la réduction du nombre de fonctionnaires, et le bouclier fiscal). Mais sur le fonds, il a renoncé à tout, sous la pression sociale et économique. Une étude de Terra Nova, soulignée par Olivier Bonnet, sur la politique fiscale française depuis 2002 rappelait récemment un constat simple : "La politique fiscale est marquée par une forte baisse des impôts au profit des ménages les plus aisés. Les deux-tiers des baisses d’impôts de la période, soit 20 milliards d’euros par an sur un total de 30, ont été fléchés vers les plus riches." Loin de soutenir le travail, Sarkozy a continué de défiscalisé les revenus du patrimoine.
Sarkozy ne réforme plus, il gère les avantages acquis d'une poignée de contribuables.