(Je suis fier de vous présenter ici une autre vision de la controverse sur le travail du dimanche (merci entre parenthèses à mon ami des pas perdus de ne pas abandonner le combat sur le sujet…), sous l’angle du quotidien, par des salariés concernés… (cernés par les cons ?).
C’est ici l’occasion d’admirer le travail (voir ici) d’Elsa Fayner, dont on peut en apprécier une plus grande variété sur son blog, que j’apprécie particulièrement, tant pour sa profondeur d ‘analyse que pour ses qualités graphiques… Comme j’aimerais la connaître pour de vrai !).
Campagne « Travailler tue en toute impunité :
pour combien de temps encore ? »
Quand travailler devient insupportable – témoignage no 6.
On entend sans cesse les chefs d’entreprises, les banquiers, les économistes d’entreprises, les experts autorisés. Et sont rarement publiées, les paroles ordinaires des personnes ordinaires. Celles de nous tous ! Les entretiens réalisés par Elsa Fayner montrent le travail « dans tous ses états », en laissant s’exprimer ceux qui l’accomplissent. Voir son blog extrêmement utile : http://voila-le-travail.fr/. Chaque semaine, un nouveau témoignage, un nouvel éclairage sur ce qu’est travailler. Souvent pour rien. Souvent dans des conditions insupportables.
——————————————————————— “J’ai été insultée, car je ne m’étais pas portée volontaire” Corinne (1), 38 ans, dirige un magasin de prêt-à-porter. Et, dans sa ville, on ne travaille pas le dimanche.Témoignage recueilli par Elsa Fayner ( http://voila-le-travail.fr)
J’ai travaillé comme chef de rayon durant cinq ans, dans la grande distribution. Je travaillais le dimanche, j’étais célibataire, je débutais. J’avais la passion de mon métier, j’avais envie de prouver à mon employeur que ça valait la peine de me garder. Et puis, dans la grande distribution, on n’avait pas tellement le choix, on ne me demandait pas vraiment si j’étais volontaire pour venir le dimanche. C’était le début de ma carrière, ça allait. Mais maintenant, je suis mariée, j’ai des enfants. La situation n’est plus la même. Depuis 1995, je dirige à Cholet un magasin de prêt-à-porter, qui appartient à une chaîne. Le maire de la ville refuse l’ouverture des magasins le dimanche. C’est une chance énorme.
Cela dit, le même problème se pose pour les jours fériés. Récemment, j’ai refusé de venir un jour férié. J’ai été menacée et insultée par ma direction, car je ne m’étais pas portée volontaire, et que je n’avais pas fait pression sur les salariées pour qu’elles viennent. Mais je ne peux pas forcer les femmes de mon équipe à travailler ce jour-là. Certaines sont divorcées, ou leur mari fait les 3-8. Il leur faudrait trouver une assistante maternelle qui accepte de travailler elle aussi un jour férié, et tout le salaire gagné ce jour-là y passerait…
Si jamais le maire de Cholet part, ou s’il se soumet à la pression, nous devrons travailler le dimanche. Je travaille déjà le samedi. Mon mercredi doit être férié, mais les horaires changent souvent dans le commerce. Le dimanche, c’est mon seul repère stable. C’est le seul jour que je peux passer avec mes enfants et mon mari, qui travaille lui aussi le samedi. J’ai besoin de cet oxygène pour me ressourcer. Si je le perds, je suis perdue dans la semaine.
(1) Le prénom a été modifié, à la demande de l’intéressée.
—————————————————————————– Christelle, 43 ans, caissière chez Conforama, Herblay, travaille le dimanche depuis 13 ans.
Témoignage recueilli par Elsa Fayner ( http://voila-le-travail.fr)Je travaille depuis vingt ans au Conforama d’Herblay. J’ai commencé comme secrétaire commerciale, je suis caissière aujourd’hui. Dans le magasin, nous avons des horaires collectifs et fixes, de 14h30 à 19h30 en semaine, avec une pause le midi, et sans interruption le samedi. Les emplois du temps ne changent pas, nous nous sommes battus pour ne pas être à la disposition du magasin, en fonction des flux de clientèle.
En revanche, depuis 13 ans, je travaille tous les dimanches. De 10h à 19h, avec une coupure le midi.
Ce n’est pas par plaisir. Mais j’avais acheté un terrain avec mon mari, pour faire construire une maison et il a fallu rembourser les emprunts. Les salaires de la grande distribution sont tellement médiocres… Surtout, depuis une dizaine d’années, ils ne progressent plus, hormis les augmentations annuelles. Sans mes quatre dimanche et ma prime d’ancienneté, je tombe à 1100 euros par mois aujourd’hui! Les 70 euros du dimanche sont donc vitaux pour moi.
Mais j’ai sacrifié au final plus que je n’ai gagné. Par obligation, j’ai tout bousillé : ma vie de famille, et ma vie sociale. Surtout, je n’ai pas vu mes enfants grandir. Petits, ils me reprochaient de ne jamais rien faire avec eux. Plus grands, comme les baby-sitter coûtaient cher, ils sont restés souvent livrés à eux-mêmes, avec leur clé autour du cou. Mon mari travaille aussi le dimanche, dans la restauration. Personne ne pouvait accompagner les enfants à leurs matchs, ça les a privés de sport, d’activités.
Dans un an, l’emprunt sera remboursé, j’arrêterai de travailler le dimanche. Je vais essayer de prévoir des temps sympas avec mes enfants. Mais ils sont indépendants maintenant, et j’ai bien peur de ne jamais récupérer ce que j’ai perdu.
Pour en savoir plus sur le travail dominical ( http://voila-le-travail.fr/2009/06/29/travail-dominical-le-retour/)
Signer l’appel : http://www.fondation-copernic.org/petition/index.php?petition=3
.