Magazine Cinéma
Cela faisait si longtemps que l’on en aurait presque oublié que Sam Raimi n’est pas QUE le réalisateur aux commandes de la saga Spiderman. Voilà presque dix ans que le cinéaste américain ne s’était pas consacré à un projet n’impliquant pas l’homme-araignée, précisément depuis Intuitions en 2000. Après l’énorme coup de mou de Spiderman 3, Raimi peut-être las, sûrement désireux de changement, revient à ses vieilles amour, le frisson, avec Jusqu’en enfer. Et bon sang ça fait du bien !
Après avoir érigé en finesse un jeune homme ordinaire en icône héroïque, Raimi prend un malin plaisir à prendre une jeune femme ordinaire et à lui faire subir un enfer que l’on ne peut que qualifier de jubilatoire en tant que spectateur. Le cinéaste revient à un genre qu’il n’avait pas côtoyé depuis de nombreuses années, l’horreur, alors que c’est celui-là même qui l’a déposé sur le radar cinématographique et geek, avec la trilogie Evil Dead. Et si Jusqu’en enfer est bien un retour aux sources pour Raimi, c’est surtout un beau pied de nez au cinéma d’épouvante américain moderne, fatigué, répétitif, et ayant par trop choisi d’appuyer sur le glauque et le clinquant visuel. A ce jeu-là le cinéma hollywoodien est depuis longtemps à la traîne du cinéma asiatique et européen, et Raimi n’envisage pas de s’en approcher.
Son Jusqu’en enfer est un cinéma d’horreur à la fois plus roots et plus dans l’air du temps. Plus roots parce que très classique dans ses effets, en cela plus proche d’un cinéma qu’on pourrait qualifier d’épouvante. Pas de gore, mais des effets de sursauts en cascade ; du crade, mais impliquant liquides et bébêtes diverses auxquelles l’héroïne se trouve confrontée plutôt qu’hémoglobine. Plus dans l’air du temps ensuite, parce que le point de départ du scénario d’épouvante est, mine de rien, incroyablement en phase avec notre époque. La protagoniste, Christine Brown, est une jeune femme travaillant dans une banque, accordant ou refusant des prêts à des particuliers ou des entreprises. Un matin, elle choisit de refuser un énième prêt à une vieille gitane, pour se faire bien voir aux yeux de son boss, convoitant un poste de directrice adjointe. Le problème c’est que la vieille dame prend très mal le refus de Christine, et lui jette un sort, lâchant sur elle un démon bien décidé à la traîner jusqu’en enfer.
Dès lors, le scénario de Raimi va jeter son héroïne dans une course poursuite contre un ennemi invisible. Sons inquiétants, apparitions brutales, séquences de poltergeist, visites chez le medium, scènes de possession, visite nocturne d’un cimetière pas franchement accueillant… Raimi s’appuie sur du familier, des passages obligés, tout en insufflant un brin de fraicheur générale assez indéfinissable.
Peut-être est-ce dû à cette atmosphère assez particulière, ce décalage étonnant entre un cadre si doux et en apparence agréable (un Los Angeles rutilant et baignant de lumière) avec les zones d’ombres auxquelles Christine essaie constamment d’échapper. Peut-être est-ce dû aussi à une bonne dose d’humour, devenu si rare dans le cinéma d’épouvante actuel, et que l’on retrouve avec plaisir dans l’univers de Raimi.
On peut effectivement arguer que le fil narratif n’est pas franchement surprenant, qu’il n’est pas difficile de deviner où Raimi va nous mener au final, mais on prend tellement de plaisir à cette course contre l’enfer qui ne cherche pas le réalisme pour un sou, on prend tellement de plaisir à retrouver un cinéaste comme Sam Raimi aux manettes d’une série B ambiance frissons, qu’il vaut mieux ne pas se poser trop de questions, et simplement profiter.
La morale de l’histoire ? L’arrivisme et l’égoïsme ne mènent à rien, sinon sûrement en enfer. Ah oui, et aussi, faites pas chier les vieilles gitanes avec les ongles crasseux et les dents pointues, on ne sait jamais…