Je ne pensais pas redire cela un jour, pourtant je dois être honnête et coucher ces mots : il est vraiment bon, le nouveau Harry Potter. Une seule fois au cours de la dernière décennie qui a vu débarquer sur les écrans les adaptations des fameux best-sellers, une seule fois suis-je sorti de l’un des films impressionné. C’était évidemment pour le troisième volet, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, seul film de la saga jusqu’ici à ne pas s’inscrire dans un moule, le seul étant parvenu à dépasser le carcan Potter et s’inscrire comme un film fantastique à part entière. C’était à l’époque à n’en pas douter la marque de son réalisateur, le passionnant Alfonso Cuaron.
A la découverte de Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé, force est de constater qu’enfin un autre cinéaste est parvenu à s’approprier l’univers du jeune sorcier. David Yates, le réalisateur en question, avait déjà signé le précédent volet, l’intéressant mais tout à fait passable Ordre du Phoenix. Alors qu’est-ce qui fait qu’une saga comme Harry Potter, qui en est à son sixième film, tous tournés pour ainsi dire les uns à la suite des autres, puisse sembler trouver un souffle inattendu sans crier gare ? Pour parfaitement répondre à la question, il eut certainement fallu que je lise les romans de J.K. Rowling, ce que je n’ai jamais fait.
Il n’est cependant pas si difficile de voir où Le Prince de Sang Mêlé fait mieux que ses prédécesseurs (exception faite du Prisonnier d’Azkaban bien sûr). A n’en pas douter, le traitement scénaristique de l’univers de Potter est nettement plus soigné dans cette sixième aventure. Le script de Steve Kloves trouve un équilibre bien plus harmonieux entre le mystère et le développement des personnages d’un côté, et l’aventure, voire l’action, de l’autre. Les deux premiers volets bien trop enfantins, le 4ème trop porté sur l’action, ou le 5ème, trop vide pendant 2h avant de s’épiloguer sur une énorme séquence d’action inintéressante à souhait, semblaient toujours pâtir de faiblesses d’écriture.
Comme Azkaban, Le Prince de Sang Mêlé s’aventure vers des zones d’ombres, se joue avec intelligence du fil narratif traditionnel, non pas dans la forme comme c’était le cas dans Azkaban, mais dans le fond, à l’intérieur même de l’histoire. Les personnages se font plus troubles que jamais, insaisissables. La navigation dans les souvenirs collectés permet de fascinants sauts dans le temps qui constituent parmi les moments les plus réussis de la saga.
Le traitement qui est fait des personnages est également mieux dessiné. Pas forcément le trio héroïque au devant de la scène, toujours lisse si ce n’est les facéties comiques de Rupert Grint, mais bien les seconds rôles. Ces personnages de l’ombre qui forgent le caractère d’un film. Rogue (le toujours exceptionnel Alan Rickman), Dumbledore (Michael Gambon, qui nous fait oublier que Richard Harris avait initié le rôle), le nouveau venu Slughorn (parfaitement campé par Jim Broadbent), et même le jeune Malfoy, sont les personnages qui donnent au film son caractère sombre, désenchanté, souvent étonnamment poisseux. Sur ce dernier point, la photographie inspirée du français Bruno Delbonnel joue un grand rôle dans le succès du film.
Il parait peu probable que la double adaptation de l’ultime roman de Harry Potter soit aussi réussie que ce Prince de Sang Mêlé. Car si celui-ci conserve des défauts inhérents à la saga (amourettes adolescentes maladroites, univers visuels, décors et personnages, parfois trop évidemment pompées sur Le Seigneur des Anneaux…), il se démarque par sa capacité à privilégier l’évolution des personnages sur le cours de l’action, et le fait avec des scènes de belles conceptions. Il possède ce charme qu’ont très souvent les épisodes charnières d’une série de films, délestés de l’introduction, pas encore obligés d’amener l’épilogue. Alors qu’on ne peut douter que les dernières heures sur grand écran d’Harry Potter verront des affrontements monstres entre sorciers, ce qui n’a jamais été le fort de la saga.