Au programme : la seconde réalisation de Kazuaki Kiriya qui avait divisé il y a quelques années avec le trip SF Casshern mais qui nous en avait mis, quoiqu’on en pense, plein la vue. Dans la salle, ils étaient tous là. Fans absolus de cinéma asiatique, cinémaniaques plus ou moins anonymes mais reconnaissables entre tous, ou encore Christophe Gans, le réalisateur du Pacte des Loups étant lui-même un inconditionnel du 7ème Art venu d’Extrême-Orient.
(mon pote Michaël, présent lui aussi pour Goemon, m’a suggéré de consacrer un post sur ce blog à ces spectateurs que je nomme « cinémaniaques », pour que ceux n’en ayant jamais croisés comprennent de quoi je parle… Ca viendra un de ces jours…)
En attendant, avec 20 bonnes minutes de retard, le noir s’est fait dans l’amphithéâtre presque
Comme Casshern avant lui, Goemon est un film numérique, tourné en studio avec un énorme travail de postproduction pour incruster les acteurs dans les décors presque entièrement créés par ordinateur. La liberté créatrice offerte ainsi au cinéaste est bien sûr décuplée, Kiriya ayant toute latitude de créer des séquences impossibles avec un tournage en décors naturels. Car si le pitch du film pourrait être celui d’un film en costume « standard », Goemon est bel et bien une œuvre à l’atmosphère visuelle plus proche d’un film d’action ou de science-fiction, avec des effets visuels repoussant les limites du crédible.
L’entrée en matière du film laisse assez craintif, la nature de l’intrigue et des personnages nous lançant sur une fausse piste, ou plutôt ne laissant pas tout de suite entrevoir la densité du scénario. Lorsque celle-ci est dévoilée, que le voleur de grand chemin devient ce ninja torturé solitaire, le film prend une dimension bien plus intéressante, les intrigues se font plus claires, et le récit emporte sans retour possible.
Par bien des aspects scénaristiques, le film d’animation Sword of the Stranger vient à l’esprit à la vision de Goemon. Mais rien d’étonnant à cela, tant le film de Kiriya est empreint de personnages emblématiques d’histoire et légendes nipponnes, dans lesquelles les samouraïs et ninjas maniant le sabre en solitaire sur les routes du Japon sont légions. Si l’on se plait à regarder cette épopée, c’est également grâce à une distribution impeccable, le cinéaste ayant réuni des comédiens de talent devant la caméra, certains venant du cinéma d’auteur japonais (certains habitués de Kitano notamment).
Goemon ne fait pas partie de ces films transcendant leur qualité de divertissement pour se muer en un film indubitablement mémorable, bien que Kiriya traverse assurément son film de réflexions sur le pouvoir, la responsabilité et le sacrifice de soi. Mais la mythologie qu’il parvient à créer vaut bien des films plus maîtrisés, et justifie pleinement sa présence à l’Etrange Festival, qui a travaillé dur pour obtenir à temps une copie du film 35mm avec sous-titres anglais qui était 3 jours plus tôt… dans un festival en Australie.