Suzanne, une femme d’une quarantaine d’année, bénéficie d’un cadre de vie que d’aucuns qualifieraient de très confortable. Une luxueuse villa dans la région de Nîmes, un mari médecin qui gagne très bien sa vie, et qui possède qui plus est une certaine influence au niveau du conseil municipal, deux beaux enfants, adolescents sans histoires…
Pourtant, après avoir passé des années à élever ses enfants, elle s’ennuie un peu. Elle décide de reprendre son travail de kinésithérapeute et convainc son mari de faire transformer une des ailes de la villa en cabinet de consultation.
Pendant les travaux, elle fait la rencontre d'Ivan, un des ouvriers en charge du chantier. Lui galère pour survivre. Sa femme l’a quitté, il voit très peu sa fille. Il a toujours vécu de petits boulots, plus ou moins au noir, et plus ou moins honnêtes, puisqu’il vient de sortir de prison. A priori, tout oppose Suzanne, l’anglaise aisée, et Ivan, l’ouvrier espagnol… Mais l’amour ne connaît pas de frontières, ni géographiques, ni sociales. Leur attraction mutuelle est immédiate et violente. Suzanne décide de tout quitter pour vivre cette passion dévorante. Mais son mari, blessé dans son orgueil, est bien décidé à l’en empêcher…
Nouveau film de Catherine Corsini, Partir ne brille pas par son originalité, puisque son sujet, une simple histoire d’adultère et de drame passionnel - dont l’issue est annoncée dès la première séquence - est régulièrement exploité par le cinéma d’art & d’essai français, avec plus ou moins de bonheur. La mise en scène n’est guère plus emballante. Très classique, sobre et appliquée, mais manquant un peu de rythme et de folie.
La cinéaste, néanmoins, a toujours su parfaitement restituer les sentiments à l’écran, et le prouve une fois de plus, notamment pendant la première moitié du film, qui décortique la montée du désir chez Suzanne, et le séisme intérieur qui vient brusquement ébranler toute cette vie bien rangée qu’elle s’est bâtie au fil des années.
Il faut dire aussi que Catherine Corsini s’est facilité la tâche en confiant le rôle à une actrice virtuose, en la personne de Kristin Scott-Thomas. Intense, irradiante, très émouvante, la comédienne est une fois de plus au sommet de son art. Par ses regards perdus, ses gestes lents et fébriles, elle laisse percer le trouble qui s’empare de son personnage et provoque l’empathie immédiate du spectateur.
Devant cette performance, les rôles masculins sont un peu en retrait, mais la cinéaste ne les a pas négligés pour autant, jouant sur l’opposition des caractères et l’ambivalence de chaque personnage. Sergi Lopez incarne Ivan, l’amant espagnol. Très physique, très charnel, au tempérament chaud. Un homme qui a connu la prison, mais qui, au fond, abrite une personnalité sensible. Tout le contraire du mari de Suzanne, campé par Yvan Attal, plus cérébral, plus froid. En apparence, c’est un type bien, modèle de réussite sociale et citoyen politiquement engagé. Mais cette façade abrite en fait une personnalité possessive, égocentrique, capable des plus basses manœuvres pour arriver à ses fins…
Ces nuances permettent à la cinéaste de faire reposer la deuxième partie du film sur d’autres enjeux plus intéressants, mettant en place des clivages et des affrontements. Entre raison et sentiments, entre bourgeoisie et prolétariat, entre homme et femme, entre mère et femme…
Cette seconde moitié est évidemment la plus intéressante. On y retrouve les thématiques habituelles de la réalisatrice, qui s’interroge sur la place de la femme dans une société longtemps conçue par et pour les hommes et sur les rapports de classe dans un monde où l’argent est roi. Une réflexion intelligente et sensible, mais hélas un peu trop formatée, trop balisée.
Le « défaut » est hélas récurrent chez Catherine Corsini. Il plombait carrément Les ambitieux son avant-dernier film et empêchait de s’enthousiasmer totalement pour des œuvres pourtant brillantes comme La nouvelle Eve ou La répétition. On rêve de voir un jour la cinéaste prendre un peu plus de risques et de briser les carcans qui étouffent un peu sa mise en scène. Il est probable que, ce jour-là, cela donnera un très grand film.
Cela dit, Partir vaut quand même le coup d’œil, ne serait-ce que pour la partition irréprochable de Kristin Scott-Thomas, dont le talent est décidément immense…
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