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La livraison - enfin - du premier A380 à la compagnie Singapore Airlines marque une étape importante, et positive, dans la vie d'EADS et de sa filiale Airbus. La satisfaction des Européens aurait dû être sans réserve : le carnet de commandes se remplit à un bon rythme et le concurrent de Boeing, le Dreamliner, connaît à son tour des difficultés. Malheureusement, cet événement est quelque peu terni par des soupçons sur l'attitude passée des dirigeants d'EADS et d'Airbus. Ils font l'objet d'une enquête judiciaire qui devra dire si la vente au printemps 2006 de leurs stock-options, notamment, alors que l'entreprise s'apprêtait à connaître des difficultés, relève ou non du délit d'initiés.
C'est d'abord une affaire de stratégie industrielle. Arnaud Lagardère affirme dans Le Journal du dimanche (dont il est propriétaire) qu'il souhaite réduire sa participation dans EADS "depuis 1999" pour "se recentrer sur les médias". Il n'a jamais caché son intention de voir le groupe Lagardère (par ailleurs l'un des actionnaires du groupe Le Monde) se désengager partiellement de l'aéronautique.
Sans l'Etat français et sans l'apport de l'Aérospatiale, EADS n'existerait pas. Il est difficile d'imaginer que cette décision de la part d'un actionnaire aussi important aurait pu être mise en oeuvre sans qu'elle ait des conséquences sur les rapports de forces capitalistiques au sein de l'entreprise. Il est aussi difficile d'imaginer que l'Etat n'a pas été tenu au courant. Mais la polémique autour de l'implication ou non des pouvoirs publics durant toute cette affaire ne doit pas masquer ce qui est en cause : non pas l'attitude de l'Etat, mais bien celle des dirigeants et des actionnaires.
UNE AFFAIRE D'ETAT....MAJOR
Ils étaient collectivement responsables des déboires industriels - notamment les retards à répétition du programme A380. Les difficiles relations entre les usines françaises et allemandes et les problèmes de câblage à l'origine de ces retards étaient des problèmes identifiés depuis longtemps. La direction de l'entreprise a mis du temps à le reconnaître et à réagir. Elle y a peut-être ajouté une autre erreur en agissant de manière à laisser peser ces soupçons de délit d'initiés - c'est-à-dire en vendant une part du capital au moment où l'entreprise avait plutôt besoin de manifestations de confiance. Les dirigeants d'entreprise ne sont pas des actionnaires comme les autres. Par fonction, ils disposent d'informations qui ne sont pas publiques.
Louis Gallois, président d'EADS, dénonce le système des stock-options, qu'il veut supprimer. Est-ce vraiment ce qui est en question ici ? L'affaire EADS n'est pas une affaire d'Etat, mais bien une affaire d'état-major : ce qui est ici en cause, c'est le sens des responsabilités de dirigeants qui ont la charge de ce qui reste l'une des plus belles réussites industrielles européennes