Giscard D’autres se satisferaient de dépasser les quatre-vingts dans un château en Auvergne (y en a pas beaucoup), ou à Paris entre un siège au Conseil constitutionnel, un fauteuil à l’Académie et un pouf dans l’histoire. Valéry, lui, remâchera jusqu’au tombeau sa frustration d’un second septennat et d’une œuvre dans la Pléiade. Passe encore de siéger, mais écrire à cet âge, et un roman d’amours princières ! Ça fera parler huit jours, et c’est ce qui compte quand on n’est pas du genre contemplatif. La prochaine fois, c’est l’Olympia avec Yvette Horner.
Chirac Depuis que son chien l’a mordu, le silence est devenu son art premier. En période judiciaire, ce lourd silence peut faire vaguement penser à l’air absent du petit diable quand on demande qui a joué au ballon dans les semis. Mais on annonce des mémoires ; un essaim de prénoms bourdonne déjà dans nos têtes : Georges, Jacques, Charles, Pierre, Marie-France, Valéry, Edouard et Nicolas… On espère que ça va saigner, qu’on ne va pas nous ressasser le destin de la France en haut style. Ca dépendra du nègre.
Lang La tourne-t-il désormais dix fois dans la bouche avant de l’ouvrir ? Ou bien, par extraordinaire n’a-t-il plus rien à dire ? Au train où va la nostalgie, on se prend à regretter ses Solutré avec tonton, ses paillettes chiées, son chébran kitch, son truc en plumes : avec lui la culture était une teuf. Depuis, on se dit qu’elle mérite mieux qu’un ministère. Le Président veut-il sauver son quinquennat au moins du ridicule ? Qu’il renvoie Frédéric Mitterrand à la villa Médicis et nous remette le plus lorrain des Jack à l’arbitrage des élégances.
Villepin Pas si vieux mais tout blanc, se voulant même plus blanc que blanc : blanchi au nom du peuple français pour revenir en Edmond Dantès par la grande porte. Plusieurs esprits romanesques voient un destin présidentiel à ce flamboyant Galouzeau survitaminé par la vengeance, les mêmes qui rêvent d’un
Rainbow Warrior par mois, d’une dissolution par semestre, d’un CPE par an, d’une envolée lyrique à chaque orage. Cet homme a besoin d’électricité. Perdu ou non, son procès va le recharger pour 100 kilomètres.
Sarkozy Vieilli d’un coup, sur un coup de cœur. Mais toujours aussi piaffant qu’un labrador de l’année. Sarko ou de l’inconvénient de la franchise en politique : on pense « pauv’con » et on le dit ; on pense « coupables » et on le dit ; on se rase à lire Mme de Lafayette et on le dit ; on trouve qu’il y a des chercheurs impayables et on le dit ; on se réjouit que les grèves ne gênent plus personne et on le dit, etc. Les uns pensent : c’est pas fin ; les autres : c’est pas fourbe. Moi je dis que ce goût des pavés dans la mare est la séquelle d’un 68 rentré, quand votre maman vous trouvait trop petit pour les barricades. Le sur-moi, c’est comme les bacs de rétention, tout à coup ça déborde.
Bayrou Vieux depuis qu’il prend ses airs de père noble. En selle pour 2012, 2017, 2022. Si l’on aime les lettres classiques et les chevaux de course, pourquoi user le meilleur de sa vie à guigner la présidence de la république, grandeur d’établissement, au lieu de se réciter Plutarque dans les collines paloises au trot du prochain grand prix de l’Arc de triomphe ? Si mesdames Royal et Sarnez ont renoncé pour toujours au tricot, est-ce une raison pour nous entraîner ce terrien dans leurs folles équipées ?
Cohn-Bendit C’est un peu le Tapie de la vertitude, du genre « Salut mon pote, et vas-y que j’t'embrouille si tu l’ouvres ! » Le pauvre Allègre vient d’en faire les frais chez Chabot. DCB, ex-pourfendeur de recteurs et de CRS, cauchemar de Pompidou et du préfet Grimaud, vient après quarante ans et plusieurs avatars de trouver dans le réchauffement son nouveau brise-glace. A force de rebondir depuis Nanterre, Dany, c’était fatal, a des problèmes de hanches. Au diable ! Le regret des vertes années n’est pas son vice. C’est dit : il se marrera jusqu’au bout.
Le Pen « O rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie / N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ! » Mais non, il n’est pas si triste, notre don Diègue des Bleu-blanc-rouge. On le croirait même en paix, enfin repu, renonçant sans fiel aux prochaines castagnes, prêt à comparaître sereinement devant Celui qui prit Jeanne d’Arc pour un détail de la guerre de Cent Ans. Jean-Marie va payer ses petites dettes, vendre le paquebot, ouvrir sa succession. Il prétend que le champ est libre pour diriger le FN après lui , énumère les postulants de valeur, mais on l’entend sans paroles : « Viens, Marine, viens mon sang, viens réparer ma honte, viens me venger !»
On les moque parce qu’ils nous ressemblent en plus fort, parce qu’ils ont du chef et qu’on est Gaulois. On les moque, mais on les aime bien. Nous avons même eu la courtoisie de vieillir ensemble.
Arion