L'air et le feu Plusieurs milliers de kilomètres séparent Karkwa et Montgomery, et pourtant, music- alement, les deux groupes partagent bel et bien un même terrain de jeu : celui de l'expérimentation ludique et du plaisir de prendre la chanson française à contre-courant.
Fondé en 1998, Karkwa s’est fait la main aux quatre coins du Québec, multipliant les concerts et les récompenses prestigieuses sur ses terres avant de conquérir le Vieux Continent.
Ce n’est qu’après avoir fait chanter Brigitte Fontaine sur son second opus, Les Tremblements s’immobilisent (2005) que le groupe s’expatrie pour de bon, permettant aux Européens de découvrir une autre musique québécoise, plus proche de celle de Jean Leloup que de Félix Leclerc.
Pour Le Volume du Vent, son troisième album, le groupe signe des compositions pop-rock aux accents irrésistibles, dans tous les sens du terme : celui de son chanteur Louis-Jean Cormier pour commencer, qui rend la compréhension des textes parfois difficile pour le francophone européen. S’ensuit une musique des mots qui parle pour elle-même, virevoltante, douce et langoureuse, portée par la grâce des arrangements qui donnent au Volume du vent des airs de OK Computer à la québécoise.
Car s’il fallait jouer au petit jeu des comparaisons, c’est effectivement à Radiohead que l’on penserait à l’écoute de ce quintette : aux traditionnelles guitares, basse, batterie viennent se greffer des claviers, harmonies vocales élaborées avec l’aide du songwriter Patrick Watson, ainsi que des interventions sonores astucieuses qui permettent à la musique de Karkwa de s’élever très au-dessus des productions pop-rock francophones contemporaines.
À la fois pop et planant, Le Volume du vent renferme quelques pépites ultra-efficaces que l’on adopte dès la première écoute (« Échapper au sort », « La façade »), mais aussi des morceaux dont la finesse nécessite quelque élan avant de se déployer dans toute leur splendeur (« Le compteur » en ouverture, « Mieux respirer »).
Tout comme ses collègues québécois, Montgomery ne cherche pas la facilité : plutôt que de jouer au petit jeu de la séduction à tout prix, et malgré un premier album éponyme acclamé par la critique en 2006, les cinq garçons de Rennes soufflent un vent de folie salutaire sur le paysage musical français. Un vent trouble et chaud comme celui qui précède une éruption volcanique. Car ce Stromboli joue habilement avec l'auditeur, se voulant tour à tour charmeur ou calamiteux.
De la jouette « Baleine » en ouverture à l'électrique « Le ciel » qui clôture l'album, les Bretons nous font passer par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel musical, se souciant des convenances comme d'une guigne. De l'electronica au rock planant via la pop la plus fluette, rien ne semble effrayer le quintette, et c'est très bien comme ça ! OVNI pop comme il en existe peu sous nos latitudes, Stromboli se situerait quelque part entre Animal Collective, Grandaddy et Radiohead, et tant pis si les textes chantés avec langueur sont incompréhensibles : comme chez Karkwa, il s'agit avant tout de musique, tant celle des instruments que celle des mots, et l'on se surprend à chanter en yaourt sur l'un ou l'autre titre comme si l'on avait à faire à une langue étrangère. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'albums à écouter (et à réécouter) sans aucune modération !
Publié le 25/09/2009, par Catherine Thieron (Médiathécaire) www.carpestudentem.org