Pour ne pas faire trop de grumeaux dans ma nuit de veille, je tamise mes pièces à vivre afin qu'elles prennent une douce pâleur propice à la relaxation. Il arrive cependant que ce qui se joue ici même ne soit pas forcément raccord avec la déco ou tout au moins avec l'idée que je m'en fait...
Mais, franchement, si tout était prévisible, l'ennui peu à peu me rouillerait de l'intérieur ou alors je m'imaginerais que je suis gardien de musée et je disserterais pendant des heures avec mon ombre, pour savoir si les objets inanimés ont vraiment une âme.
Ici, les trésors n'ont pas cinquante mille ans, ni même un siècle ou deux , ils sont dans leur pleine adolescence et comme pas fini de construire. Du genre caméléons, ils peuvent se transformer dans l'instant, en courant d'air par exemple ou en petit animal blessé par le vie. Il faut alors consulter ses oracles pour essayer d'y voir un peu plus clair, mais comme, souvenez-vous, on évite la pleine lumière qui éblouit et brûle les ailes, il faut parfois composer vite fait un matelas de bonnes intentions pour amortir les chocs .
Avec mes chaussures à semelles de ouate, je circule librement dans des couloirs ou une petite lumière de: par ici la sortie semble me chuchoter "suivez le guide".
La maison respire et je l'entends bouger, craquer, se moucher et roter à l'allumage des frigos. La maison transpire, ses peurs, ses angoisses et des rêves compliqués. Elle protège, ou en tous cas tente de le faire, des intempéries, des vagues traîtresses, des récifs déguisés...
Elle a le coeur qui bat lorsque manque à l'appel un ptit oiseau écorché , déplumé...Elle sourit en sourdine et soulagée lorsque d'aventure en aventure , comme dans les films américains, se finissent bien des histoires à veiller debout. Elle porte aussi parfois les stigmates de grands débordements, quand la colère sort de son lit et qu'il faut tant bien que mal écoper plutôt que ce soit l'autre qui ramasse... Les nuits sont élastiques et yoyo, courtes et éprouvantes, longues et passionnantes... mais , tout se mélange.
Et quand sonne l'heure de la sortie et que l'on cligne des yeux dans le petit matin, en respirant l'air du dehors, pendant que l'autre monde commence sa ronde infernale? on se dit en baillant qu'il est bien tard...