« Je préfère les Turcs aux Français. Les Français ont inventé le progrès démocratique. » K.N. Leontiev
L'entrée, ou l'adhésion (chacun choisira son euphémisme préféré), de la Turquie au sein de l'Union Européenne pose, semble-t-il, moult question et interrogation, débat et prise de position. Questions et réponses transversales puisque les adversaires, les antagonistes, appartiennent souvent au même « camp » ... et, en définitive, ils sont tous bel et bien dans le même camp, tous, pour ou contre, car, au final les questions essentielles ne sont que fort peu évoquées. En outre, celles qui le sont, semblent se cogner aux parois de notre bel hexagone et rebondir sans pouvoir trouver de repos. Ce qui paraît vraiment effarant dans ces débats stériles, à une époque où pourtant les « experts » de tous crins font la pluie et le beau temps, c'est que jamais on ne prend réellement le temps de réfléchir avec l'Histoire pour point d'appui. Ou, le fait on, ce n'est que pour jouer le cirque compassionnel. Dans le cas présent la Turquie se limite à n'être que le bourreau de 1915, ou bien un pays musulman mais « laïc », ou encore un danger islamiste ... Sans insister davantage sur le fait qu'en 1915 il s'agissait encore de l'Empire Ottoman, ne pourrait-on aller plus loin ?
Bien sur je grossis le trait (comme à mon habitude j'ek-sagère). Il existe bien quelques spécialistes de la géopolitique qui offre une vision, une analyse plus précise, plus intelligente, plus vaste que les quelques toujours mêmes à qui l'on offre l'antenne, même s'il est vrai, à leur décharge qu'on leur fait là un cadeau empoisonné en la leur offrant pendant deux minutes trente ! Il faut aussi souligner que les autres, les plus fins, les plus perspicaces, sont tout de même contraints, bien souvent, de ne pas sortir du cadre rigide du dirigisme politico-culturel majoritaire. De cette brume ne s'élève que brièvement quelques éclairs réellement brillants.
Alors, quoi ?
Alors ek-sagérons : de nos jours, il n'y a plus d'empires.
Toutefois, tout semble soupirer après l'empire.
Toutefois, nombreux sont ceux qui estiment qu'il est encore justifié de parler d'impérialisme.
On craint, soit celui des Etats-Unis, soit celui, largement fantasmé, qui se reconstruirait autour de la Russie, ou bien encore celui, économique de la Chine, de l'Inde ...
L'Europe et les Etats-Unis font beaucoup pour lutter contre l'idée eurasienne, contre la version russe de l'impérialisme, à la fois politique et économique. En aspirant les Etats de son Est, anciennement soviétiques, l'Europe entend les « soustraire » à l'empreinte et à l'influence russe, qui, selon les critères occidentaux ne serait pas encore la grand démocratie qu'elle devait devenir. Dans le même temps elle entend les attirer dans l'orbe états-uniens en feignant de ne pas voir que ceux-ci ne sont toujours pas la grande démocratie qu'ils prévoyaient d'être !
Ce que j'en vois : Les Etats-Unis, puissance impériale sans structure impériale, impérialisme dirigé vers l'extérieur, structure interne : fédéralisme centralisé, messianisme démocratique, monarchisme inversé vers les structures politiques, dépersonnalisation, objectivation ...
L'Amérique du sud, devra-t-elle mener jusqu'à ses logiques conséquences l'expérience de reprise du socialisme, d'un éthno-socialisme. Bien que celui-ci ait d'ores et déjà intégré le processus de la possibilité d'un totalitarisme « vert » ?
L'Europe, structure culturalo-économique, éclatement politique, individualisme des nations, structures impériales éclatées mais réinvesties et inverties et travesties à de nombreuses reprises, le cadavre de l'Empire romain n'en finit plus de se décomposer, chaque recomposition empoisonnant un peu plus la suivante ou l'inversion qui en résulte. Effondrement de l'Empire austro-hongrois et de la Prusse, chute de leur inversion intensificatrice : le Reich hitlerien; désintégration du pseudo-empire colonial français et de l'empire colonial britannique ... la « mondialisation » comme reprise et coupure invertrice de la néantisation de l'Empire anglo-saxon.
La Russie, maintien faussement formel durant l'ère soviétique de l'Empirie d'inspiration « byzantine » (en réalité romaine orientale), invention et inversion de nouvelles normes structurelles impériales, le pouvoir actuel, après les échecs occidentalistes, hérite de ces nouvelles normes et tente de réintégrer les formes usuelles fantasmé.
Au milieu de ceci, rappelons l'alliance France-Grande-Bretagne-Russie dans le démantèlement de l'Empire Ottoman. Rappelons aussi que le démantèlement planifié par ces trois « empires » visait moins l'Empire ottoman que la réalité secrète qu'il recouvrait, à savoir, l'Empire Romain !
La Chine, ancien Empire du milieu, théocratie panthéiste invertie en théocratie matérialiste hyper-économique. Constitue une reprise autant qu'une continuité d'un modèle russo-asiate. La Chine, impérialisme éco-communiste s'étend à l'Afrique politiquement et économiquement, et soutient en Corée du Nord la violence étatique qu'elle ne peut plus assumer elle-même ...
L'Afrique, colonialisme, communisme, capitalisme, islamisme par réactions et interactions, sous couvert d'éducation, de profit ou de libération, ont exacerbés les éclatements tribaux, les structures nationales-étatiques sont chimériques et dirigés vers des buts exogènes. L'axe d'évangélisation Alexandrie – Akksoum (soit l'extension envisageable de l'Empire Romain en Afrique) s'est vue nié et annihilé par le colonialisme religieux, conséquences d'un schisme euro-européen ...
Moyen-Orient, Orient, divisé, sur-divisé, tout comme le continent africain mais sans être un continent, continuité en rupture de l'Occident (comme les pays de l'Est européen), intrusion de l'Orient en Europe par imposition de l'Occident en Orient. Le processus de mélange et de lénification n'est pas encore à terme, la guerre et le combat ont encore trop de significations, trop d'implications vitales, le processus d'intégration au pacifisme général larvé ne fera d'avancées signifiantes que par la diffusion nihilisante de certaines données gnosticistes islamiques dans le libéralisme dépolitisant mondial et inversement. Ce qui est la Terre sainte de l'Orient ET de l'Occident, c'est-à-dire le germe spirituel et politique du seul Empire authentique est contraint par les pires divisions qui sont celles, hautement révélatrices, de l'Europe, elle même division et falsification « occidentale » de l'Empire. (Aujourd'hui les vecteurs de division au sein de la société israélienne sont les éthiopiens, les russes et les arabes ...)
Il n'y a plus d'empires, mais demeure, apparemment la volonté unifiante de l'impérialisme sous forme de, nous dit-on, mondialisation !
Qu'est-ce que la mondialisation ?
La planification de l'unification économico-sociale et culturelle du monde ? N'y eut-il pas depuis toujours « un seul monde » ?
Un seul mais divisé ! Un monde, mais multi-polaire ?
Or, la mondialisation serait la dépolarisation unificatrice du monde multiple ...
D'un point de vue culturel et communicationnel l'unification semble quasi opérationnelle. Toutefois, obéissant encore, malgré tout, à un vieux principe, rien de mieux pour une opérationnalité optimum que de laisser croire que la division est encore « de ce monde ».
Dans ce cas, nous ne sommes pas en face d'une mondialisation mais d'une monadisation !
Les empires anciens avaient, chacun, des visées « personnelles », individualisées, propres, bâties au long des siècles, parfois inverties, contrefaites par les coups, les apparents « hasards » de l'histoire mais, néanmoins, inassimilables les unes par rapports aux autres et leurs concurrences éventuelles, et bien réelles, relevaient en fait de ces écarts, de ces différences et divergences d'intérêts et de « buts » quand bien même le prix de la concurrence était un seul et même territoire.
L'empirie politique actuelle, sous différents masques-simulacres, avance, faussement divisée, faussement antagonique, mais unimement soumise à l'économie-consomma-dévoratrice !
Agamben à raison lorsqu'il écrit que la politique contemporaine « c'est cette expérience dévastatrice qui désarticule et vide de leurs sens institutions et croyances, idéologies et religions, identités et communautés partout sur la planète, pour les reproposer aussitôt sous une forme frappée de nullité. »
L'intégration de la Turquie, au-delà, des jeux de stériles convictions et d'explication-exploitation contemporaine, c'est la perpétuation de la stratégie de l'Europe-des-nations contre l'Empire, c'est la contre-effectuation de l'Empire authentique.
L'intégration de la Turquie à l'Union européenne, ce n'est, sur un plan métahistorique, que l'inversion de la désintégration finale de l'authentique Empire Romain d'Orient et d'Occident, la reprise invertrice du mensonge de Charlemagne; que ce plan soit, aujourd'hui soutenu par les Etats-Unis ne doit pas nous surprendre, puisque l'idée même d'un Occident « indépendant » à été transféré depuis l'illusion « europe » à la puissance états-uniennes.
Sous l'égide des E.-U. Se reconstitue donc, en puissance invertie, l'Empire Romain. Le vieux rêve carolingien, ou presque, se réalise (l'union pour la méditerranée initiée par la France pourrait en être une extension vers l'Afrique du Nord ...).
Car : « de quoi l'Europe est-elle le nom » ?
L'actuelle « union européenne » est une création arbitraire, non l'expression d'une volonté politique, mais la mise en oeuvre de la domination de l'économisme sur sa « servante » politique. L'actuelle construction européenne est une « machine » dont le centre est vide. Ce centre vide permet toutes les opérations de divisions et de retournement. Le terme Occident, n'avait de valeur réelle, non illusoire, que dans la mesure ou « en face » de lui se tenait l'autre terme, l'Orient, et ces deux-là n'avaient de valeur authentique qu'en tant que deux parts d'un même Empire. L'Empire Romain d'Orient, une fois occulté, d'abord sous la fausse dénomination d'Imperium Grecorum, puis d'Empire Byzantin, puis ruiné sous l'occupation Ottomane (préparée par les « croisades ») et enfin, totalement et durablement enfoui sous le mensonge et la division par le démantèlement de l'Empire Ottoman, la création d'un Etat « Grec » et la balkanisation. Le choc en retour pour les puissances responsables qui avaient fantasmé un « empire » pour chacun ce fut la réactivation néguentropique du séculaire semi-empire germanique (Reich) et l'activation du communisme comme réalisation séculière du paradis terrestre-âge d'or dont la conséquence sera le marchandage de la dissolution des « empires coloniaux » qui allait faire de l'Europe-idéalisée-inféodée un non-empire du milieu, espace vide de lutte pour les deux néo-pseudo-empire qui se faisait alors face ...
Le nom de l'Europe est : vide, zone tampon impolitique !
Le projet fut originairement inspiré, trop selon certains, par l'esprit chrétien. Ce fut par l'esprit chrétien du temps. L'hymne européen en est une utile démonstration, et son drapeau en est le corolaire. L'esprit est chiliaste, millénariste, c'est l'espérance, non en la Parousie, en la transfiguration, mais bien en une ère de prospérité matérielle et de pacifique béatitude ici-bas. Quelques uns ont cru devoir se battre pour ou contre la reconnaissance des « sources chrétiennes » de l'Europe, certains en ont inférer que pour cette raison la Turquie ne saurait « entrer » dans l'union .
BIBLIOGRAPHIE :
John S. Romanides : www.romanity.org
Raymond Abellio, Assomption de l'Europe.