Pour une fois je me permet d’emprunter une entame de chronique à l’un de mes camarades du net, j’ai nommé l’ami Triox. "District 9" de Neill Blomkamp est vraiment un "putain de film". Je trouve l’expression suffisamment évocatrice et frappée du bon sens du cinéphile pour arrêter ma chronique ici.
Nan je plaisante bien sûr…
J’attendais ce long métrage avec ferveur. La campagne de publicité a été d’une rare efficacité bien en amont. L’intérêt des fans français a été aiguisé pendant des mois entiers. Et le résultat dépasse mes espérances les plus folles.
Le bébé du réalisateur sud africain, soutenu financièrement et moralement par Peter Jackson, est une œuvre de science fiction originale, divertissante et une sorte de pamphlet humaniste qui nous pose bien des questions sur l’Afrique de notre temps.
Il y a quelque temps déjà j’ai découvert comme pas mal de monde que "District 9 "était le prolongement de "Alive in Joburg" un court métrage, très remarqué de part le monde, déjà mis en scène par Neill Blomkamp.
"District 9" est une perle du 7ème art pour la raison évidente est que le long métrage trace sa voie originale sans chercher à emprunter des éléments ici ou là, à copier ou à refaire avec du matériau usité.
Johannesburg, un immense vaisseau extra-terrestre est stationné depuis deux décennies au dessus de la grande métropole sud-africaine. Les aliens, baptisés dédaigneusement du sobriquet de "crevettes" sont parqués dans une immense zone, le District 9, sorte de bidonville insalubre démesuré.
La situation devient problématique. Plus d’un million d’êtres non humains vivent entassés. Les pouvoirs publics sont amenés à prendre une décision radicale : transférer les aliens dans une autre zone bien plus éloignée des humains et de la ville.
L’Etat ne pouvant faire face à ses responsabilités, la mission est confiée à la MNU (Multi-National United), une firme privée, sorte de conglomérat industriel, qui s’intéresse secrètement au fonctionnement des armes extra-terrestres (inutilisables dans les mains d’humains, littéralement parlant).
Wikus van der Merwe (Sharlto Copley) a la lourde tâche de mener à bien le transfert vers le nouveau camp d’accueil. A l’occasion de la visite de l’une des maisons du District 9, Wikus est contaminé par un virus alien et voit son ADN humain transformé.
Wikus devient par la force des choses la clé de la compréhension de la technologie extra-terrestre et l’homme le plus recherché du pays.
A l’heure où nous parles chaque jour de préquelles, séquelles, reboot ou remake, il fait saluer l’entreprise du metteur en scène sud africain qui innove, passionne, émerveille son auditoire avec un concept rafraîchissant.
Le film impose d’emblée sa force. L’œuvre prend racine dans l’histoire récente de l’Afrique du Sud. L’angle d’attaque choisi fait écho au dernier demi-siècle écoulé et bien évidemment à l’Apartheid.
Le pays est le même mais dans "District 9" les Aliens ont remplacé les noirs. Ils vivent entassés, parqués, victimes des brimades blanches et exploités jusqu’au trognon. Les avertissements "Human only" résonnent comme des sentences d’un âge pas si éloigné que cela quand les lieux publics étaient "White only". Neill Blomkamp frappe les consciences avec une pure fiction.
L’entame est aussi très originale. La forme de pseudo documentaire sur le destin tragique de Wikus nous immerge progressivement dans un long métrage hors du commun. Nous apprenons à connaître le personnage principal au travers d’interviews de membres de sa famille et de collègues à la MNU. Le spectateur éprouve vite de la sympathie pour cet homme qui sera, nous le devinons, le pivot de l’intrigue.
Le style "caméra à l’épaule" est payant et donne un petit coup de griffe au passage à la dérive médiatique de notre époque.
Neill Blomkamp abandonne très vite cette manière subjective de filmer pour adopter un forme plus fédératrice, plus cinématographique pour nous plonger au cœur d’un drame humain et extra humain. Nous retrouvons avec bonheur les éléments types qui font la force d’un pur récit de science fiction.
La fuite effrénée de Wikus s'assimile à une course contre la montre donne au long métrage un tempo très soutenu avec de nombreuses scènes d’action parfaitement calibrées et bien mises en scène. Les moments de bravoure sont légions. Le film demeure très rythmé avec de nombreuses péripéties et le spectateur en prend plein la tête. Les séquences chocs s'enchaînent sans véritable temps mort.
Nous découvrons ce qu’il y de plus déplorable dans la nature humaine. Wikus voit son apparence physique se transformer irrémédiablement et la bêtise de ses anciens congénères le force à prendre le parti des aliens. L’ancien mari aimé, fils chéri, collègue apprécié devient la vulgaire cible d’une chasse à l’homme à grande échelle. Son avenir immédiat le destine à n'être qu'un simple cobaye.
Par la force des choses, l’homme traqué devient l’ami pourrait on dire d’êtres raillés, exploités en permanence dont le seul désir est de rentrer chez eux en paix sans faire d’histoire. Mais l’avidité de la MNU en a décidé autrement.
La relation de Wikus et de Christopher l’Alien est traitée avec beaucoup de finesse et d’humanité. Neill Blomkamp prend le temps par moment de se poser et de nous proposer des éléments amenés de manière simple et évidente.
Les effets spéciaux sont véritablement de premier ordre. Les images du vaisseau stationné au dessus de la ville sont plus que saisissantes. Les explosions d’humains touchés par les armes extra-terrestres ont juste ce qu’il faut de gore. Point d’exagération et un poil de mesure même si j’aurai préféré si Neill Blomkamp avait quelque peu lâché les chevaux de ce côté-là.
Mais ce n’est qu’un détail car la technologie mise en place dans "District 9" est en tout point admirable. Les aliens sont très bien conçus. Les effets visuels, les gadgets et les séquences d’action pure ne gênent en rien la fluidité du récit et la portée du long métrage.
Le film se veut pamphlet quand il dénonce, outre le passé honteux de l’Afrique du Sud, les tripatouillages scientifico-industriels de firmes multinationales, les trafics en tout genre, la présence de bandes armées étrangères, nigérianes ici, qui mettent certaines zones en coupe réglée.
"District 9" est billant car le réalisateur assène des messages avec des images fortes au beau milieu d’un récit qui nous passionne avant tout. Le ton n’est absolument celui de la leçon donnée de manière rhétorique mais c’est plutôt le côté ludique du 7ème art qui prime.
Le long métrage s’appuie sur l’étonnante prestation de l’acteur Sharlto Copley. L’acteur sud-africain nous étonne par la justesse de son jeu, par les nuances déployées. Il passe du statut de type vraiment ordinaire, d’employé anonyme à celui d’ennemi public n°1 et l’interprétation du comédien s’adapte admirablement bien à son arrivée sur le devant de la scène (médiatique).
Le film frappe vite, fort et prend sa place au rang de chef d’œuvre. Le final peut nous laisser penser qu’une suite est plus qu’à l’étude. Le danger qui guette Neill Blomkamp est de vendre son âme aux dollars business.
"District 9" a une tonalité originale, fraîche, une brillante mise en scène, un mélange des genres heureux. Que "District 10" conserve ses éléments.
Surtout…