Artiste, acteur et metteur en scène, la connivence de ses capacités surprenantes rendent possible le rêve d’un théâtre qui chante sa propre histoire. « L’un de nous » est un succès. C’est vrai mais pas pour Jaafer Gasmi soucieux d’un nouvel humour et d’un théâtre aussi moderne que humain. Justement, l’artiste nous prépare une nouvelle surprise cachée dans sa ou ses « Valises », une nouvelle pièce de théâtre. Son succès vaut un agenda chargé mais les minutes passées avec lui sont d’autant plus précieuses. Interview.
Présentes-nous la nouvelle pièce « Valises »
« Valises » est une pièce de théâtre composée de huit acteurs: Sameh Dachraoui, Salha Nasraoui, Mohamed Sassi Bouabeni, Oussama Jemii, Youssef Mars, Sameh Toukabri et Sahbi Omar. Elle dure à peu près 2 heures de voyage à travers et dans les valises du comédien. Cette pièce raconte l’histoire de huit jeunes comédiens qui attendent le bateau qui, normalement, devrait les emmener à l’étranger pour représenter la Tunisie dans une manifestation théâtrale. La pièce a nécessité beaucoup de travail et de recherche durant un an et deux mois dont six mois entiers étaient consacrés aux répétitions. C’est le scénario de Youssef Bahri, la production du théâtre national, ma mise en scène avec l’assistance de Walid Hssine que je salue spécialement. La première présentation sera pour très bientôt mais je préfère garder le suspense sur ce point aussi… (vous trouverez les détails sur Tuniscope)
Pourquoi « les valises » ?
C’est pour ouvrir la valise du comédien. Pour découvrir le comédien, le seul capable d’ouvrir les valises de la société. Je pense que le moment est venu pour découvrir le monde du comédien, le contenu de sa valise, ce qui lui manque, ce que nous devons lui ajouter… le comédien, qui est aussi citoyen et être humain voyagera dans son existence mais aussi parlera de ses problèmes sociaux économiques et psychologiques.
Qu’est ce que tu as voulu dire par « Valises » ?
C’est simple. Je pense que le théâtre doit contenir plus qu’une seule dimension. C’est-à-dire que le processus théâtral doit rester accessible pour toutes les catégories sociales sans tomber dans le banal ni se limiter dans l’absurde. Grotowski dit que le processus théâtral est un processus de communication qui s’effectue nécessairement entre un émetteur et un récepteur. Je pense que la chose la plus difficile est de faire « le simple », c’est ce que je veux dire par « Valises ».
Que promet la pièce « Valises » ?
Nous n’allons pas voir une pièce de théâtre mais plutôt la façon de faire une pièce de théâtre. Le spectateur verra un effort colossal, une profonde recherche dans le comédien, ses outils, sa voix, ses mouvements, son corps, ses costumes, la musique et l’espace. Ce dernier, par exemple, sera vide car nous pouvons le meubler par le comédien, le seul qui mérite l’attention du public parce que c’est lui le porteur du message. Cette pièce rend hommage au comédien par le comédien.
Après le succès de ton one-man-show « Wahed Minna », pourquoi tu n’as pas continué dans cette voie qui est en ce moment une tendance dans le théâtre ?
Le one-man-show ne me concerne pas. C’est l’expérience qui me concerne. Wahed Minna est un simple exercice que j’ai fait, une belle aventure remplie d’amour. Ce one-man-show n’est pas le rêve de ma vie mais plutôt un grand rêve dans ma vie. Ce qui m’a poussé à s’aventurer avec « l’un de nous » est ma peur de stagnation physique et mentale. Cette peur de mort, ou de disparition d’un certain bouleversement nécessaire à la créativité, m’a permis de prendre en main mon droit et mon devoir de renouveler mes expériences et mes mécanismes de travail même si je risque la défaite. Car j’ai aussi le droit de commettre des erreurs dans mon pays et devant mon public. Le succès qui s’en est suivi ne me dit pas grande chose par rapport à d’autres rêves dans ma tête.
Que penses-tu de la tendance one-man-show en Tunisie ?
Chaque expérience a ses points positifs et ses points négatifs. C’est vrai que le one-man-show a aidé à mieux commercialiser le théâtre qui est devenu un show ou un spectacle. Il attire plus de monde et sait mieux se vendre. Mais son mauvais côté est cet individualisme qui peut tuer les autres genres du 4ème art.
Tu dis ça parce que tu as déjà fait ton propre show ?
Non. Je dis ça mais en même temps je peux refaire l’expérience. Je ne suis pas un ange et je peux changer d’avis… Je ne prétends pas détenir la vérité mais seulement que je suis spontané et je dis ce que je pense à l’heure actuelle. Je pense que la question la plus importante est de savoir les raisons d’être de cette tendance. N’est-il pas vrai que les mauvaises conditions (cachet faible) du comédien font partie de ces raisons ? Je pense qu’on doit penser à d’autres mécanismes de commercialisation dans le théâtre au profit de tout le secteur.
Tu as participé, outre le théâtre, au feuilleton futuriste Tunis 2050, à travers le personnage d’Abdel Hamid l’avocat. Parles-nous de cette expérience ?
Je suis content de cette aventure qui m’a permis de collaborer avec une équipe extrêmement professionnelle, intelligente, douée et talentueuse. J’ai testé trois voix pour choisir finalement la voix du personnage. Ce qui m’a marqué, c’est la présence à mes côtés du graphiste qui a dessiné Abdel Hamid. Ensemble, nous avons réfléchi sur le physique et le caractère d’Abdel Hamid. J’ai beaucoup aimé le feuilleton et l’expérience.
Et pourquoi tu n’es pas présent dans les feuilletons ramadanesques de cette année ?
Malgré les propositions que j’ai eu de la part de Hannibal comme Njoum Ellil et Prison Brika, j’ai choisi de me concentrer sur les préparations de ma pièce « Valises » qui est une grande responsabilité. Mais j’étais présent par la publicité aussi et je considère le spot de Topnet parmi les plus belles apparitions que j’ai fait sur le petit écran. Il y a dans ce spot beaucoup d’humour, d’innovation et de créativité… je suis heureux de cette expérience.
Que penses-tu des feuilletons tunisiens de cette année ?
Je pense qu’au niveau qualitatif, il y a toujours du pain sur la planche surtout au niveau des sujets traités qui se répètent d’un feuilleton à l’autre. Par exemple, Njoum Ellil et Maktoub se ressemblent alors que nous avons plusieurs autres sujets à traiter… je pense que nous devons chercher d’autres histoires à raconter et de miser plus sur les jeunes.
Concernant Maktoub, le scénario ne présente aucun personnage positif ou qui a des valeurs… tout ce que nous trouvons dans le feuilleton est la violence, la méchanceté, la trahison… aussi nous ne pouvons pas nous identifier aux personnages de Maktoub. Ils sont loin de la réalité. Le jeu d’acteur est faible chez la plupart et surtout les nouveaux. Alors qu’il y a d’autres acteurs qui ont montré un talent grandiose tel que Atef Ben Hassine.
Et concernant Njoum Ellil ?
Les côtés positifs sont beaucoup plus nombreux que Maktoub. Ce feuilleton a le mérite de nous faire découvrir le talent du jeune réalisateur Medih Belaid et aussi le talent des jeunes acteurs qui étaient à la hauteur du feuilleton.
Henda
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