24/08/04
« Mon film parle de la peau »
Tony Gatlif nous éclaire sur Exils, son dernier film, prix de la mise en scène à Cannes.
Loquace, Tony Gatlif a une myriade d’histoires à raconter. Sa passion pour Séville, ses multiples voyages, ses acteurs… Avec Exils, le cinéaste mène le spectateur dans un voyage vers les origines, parle du déracinement et de la recherche de soi à travers la terre et ses racines. Zano, alias Romain Duris, embarque sa belle Naïma (superbe et sensuelle Lubna Azabal) sur la route. Ils ont en commun un passé algérien. Une aventure au départ d’une banlieue parisienne via Séville. Leur voyage est alors un flot d’images, de sons, d’odeurs, de couleurs… Sources. Et puis l’amour.
« Que raconte votre film?»
C’est un film qui parle de la peau, de sa couleur. J’ai toujours été confronté à ça. L’exil c’est des gens qui partent en laissant des gens comme eux, de la même couleur de peau. Ils trouvent une terre, une population, un climat différents… J’ai des souvenirs d’enfance qui parlent de cela, c’est le film le plus autobiographique. Les deux personnages sont comme tous les exemples des années 50, ces voyageurs tels que Nicolas Bouvier partis pour se retrouver eux-mêmes. On commence à aimer les autres quand on s’est trouvé. C’est ce que raconte mon film. Et puis, à travers leur histoire, il y a l’histoire du siècle.
« Comment avez-vous choisi Lubna Azabal ? »
Par un casting. J’aime les femmes au caractère fou, bien trempé, qui en disent long. Dans le film, c’est un couple qui se connaît à peine, ils ont envie de se connaître, de se fouiller. Ils écoutent une musique urbaine moderne et révoltée. Cette musique fait écho au côté tachycardique de celle qu’on entend plus tard (scène de transe soufie en Algérie, Ndlr), elle emballe le cœur. Avec ce genre d’actrice, il faut savoir quelles sont les limites à ne pas franchir car son énergie débordante peut rendre les scènes folles tout le temps. La scène de transe a durée 11 minutes. Il faut que le cœur est le temps de s’emballer je leur avais montré à tous les deux des transes que j’avais filmées. On ne peut pas répéter ce genre de scène. Sinon, ça ne fonctionne pas. Il faut être gagné par la musique. Après cette scène, il a fallu deux heures avant de pouvoir parler à Lubna.
« Il y a alors une part de documentaire dans vos films ? »
Pour enlever le côté cinéma j’aime faire entrer la vie dans les plans, c’est ainsi depuis le début. J’ai fait des films pour défendre le peuple Rom avec des acteurs qui jouaient leurs propres rôles.
« La musique est omniprésente… »
La musique est en parallèle avec le scénario. Quand la caméra est pudique, c’est la musique qui donne le sentiment de l’exil. Elle prend son rôle. On la travaille en même temps que le scénario. La musique de la transe a été écrite spécialement pour cette scène.
« Quels sont vos projets ? »
Je pars en vacances, j’ai envie de continuer en méditerranée. C’est quand je rencontre une idée que je décide de partager. Je vis d’abord.
© Propos recueillis par Corinne Bernard