Le lapin Duracel de la finance
«Il y a eu la crise parce que le capitalisme était devenu fou» a-t-il encore rappelé, à tort, mercredi à la télévision française. depuis un an, Sarkozy résiste à à l’idée d’infléchir sa politique nationale, (cadeaux fiscaux, petite relance, etc). Pour ce, il a tenté de présenter la finance mondiale comme le nouveau bouc-émissaire des malheurs du monde. Il s'est focalisé sur quelques sujets politiquement symboliques mais économiquement marginaux. Depuis cet été, Nicolas Sarkozy a voulu remettre le couvert, et faire de la régulation des bonus un enjeu de communication personnelle. Un vacarme habile pour éviter de parler déficits et chômage. En août, BNP-Paribas avait semé le trouble en annonçant une provision de un milliard d’euros pour les bonus à verser en 2009 à ses collaborateurs, une somme ramenée à 500 millions après le coup de colère présidentiel le 25 août. A l’époque, Nicolas Sarkozy avait aussi expliqué aux Français que la France adopterait des mesures « sans précédent », avec ou sans accord international, pour limiter les bonus. En fait, le président français ne faisait que reprendre à son compte des propositions que la FSA, l’autorité de régulation financière britannique, avait édicté 15 jours plus tôt. En lieu et place d’un plafonnement, voire d’une interdiction ou d'une surfiscalisation des bonus versés aux traders, le gouvernement suggérait timidement d'étaler leur versement sur trois ans. La belle affaire !
Arnaques, confusion et révisionisme
Depuis, Nicolas Sarkozy a orchestré une mise en scène parfaite avec, en ligne de mire, le sommet du G20 à Pittsburgh : il demande d'abord l’impossible pour mieux se dégager de toute responsabilité en cas d’échec. Avant sa rencontre de jeudi, il avoue son impuissance, devant la résistance américaine : "Le président Obama est en avance par rapport à son pays" a-t-il justifié mercredi.
Ensuite, il accompagne ces exigences d’une cascade d’ultimatums confus. Il laisse ainsi Claude Guéant, il y a 10 jours, menacer de quitter la rencontre du G20 si la négociation échoue. Mercredi, Sarkozy annonçait à la télévision française qu’il souhaitait parvenir à un plafonnement des bonus, par exemple en pourcentage du chiffre d’affaires, une idée qu’il avait suggérée mais écartée en août dernier. Cette proposition, nouvelle, n'empêchera aucun des excès individuels qui choquent les opinions publiques.
Quand il déclare : « A quoi sert il - et je le dis à nos compatriotes – de faire des règles dans notre pays si les grandes banques, dans notre pays ou ailleurs, peuvent avoir des filiales dans les paradis fiscaux qui s’exonèrent des règles prudentielles qu’on essaye de faire respecter chez nous ? », il mélange les concepts : il confond ainsi la régulation prudentielle (quels niveaux de fonds propres faut-il exiger des banques en contrepartie des risques de placements financiers qu’elles prennent sur les marchés ? Comment harmoniser les normes comptables afin que les comptes des banques soient évaluables et comparables ?) avec le scandale moral (plus que technique) de rémunérations hors normes attribuées aux traders ou de la fraude (i.e. cacher ses revenus à l’étranger pour éviter l’impôt national).
Enfin, il réécrit l’histoire. Mercredi, il a ainsi encore crié victoire contre les paradis fiscaux et le secret bancaire ("Les paradis fiscaux, le secret bancaire c'est terminé"), alors que la réalité est toute autre : "La lutte contre les paradis fiscaux ne fait que commencer et 90% du chemin reste encore à parcourir. Dire aujourd'hui le contraire, c'est vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué" a critiqué l'ONG Oxfam France - Agir Ici. La liste des paradis fiscaux retenu par le G20 n’est pas exhaustive ; le secret bancaire est encore effectif; les sanctions sont inexistantes. Même les banques françaises, pourtant aidées par l’Etat à l’automne dernier, n’ont pas communiqué ni fermé leurs comptes offshore. «Je ne suis pas un homme qui ment» s’est-il écrié mercredi sur TF1 et France 2. Ah bon ?
Personne n'attend le G20
A Pittsburgh, Nicolas Sarkozy est mal en point. Les débats sont trop techniques pour lui, Obama ne répond pas, trop soucieux d’enjeux nationaux tout aussi important. Et les dirigeants du G20 pensent surtout à la croissance mondiale. Sarkozy est seul à s'acharner, sans réelle proposition, sur le cas de quelques bonus quand les autres pensent chômage, investissements et déficits. Combien de temps encore laisserons-nous la France si ridicule à l'extérieur de nos frontières ? Au G20, les dirigeants négocient surtout le contenu des communiqués de presse. Les négociations ont eu lieu avant, dans les coulisses, entre hommes de main, lobbyistes et techniciens. Ainsi, sur les bonus, certains mumurent que le principe de leur plafonnement serait acquis: les G-20tites seraient d'accord pour "limiter les bonus à un pourcentage du produit net bancaire quand ils menacent un niveau de saine capitalisation".
Rares sont ceux qui attendent grand chose du sommet de Pittsburgh. Les vraies réformes seront pour plus tard, ou jamais.
Mercredi, après l’enregistrement de son intervention télévisée, Sarkozy a lâché ses nerfs contre Arlette Chabot, la directrice de l’information de France 2. L'attaque fut injustifiée (il regrette l'absence d'émissions politiques), mais révélatrice du malaise présidentiel.
Au fait, les chiffres "officiels" du chômage sont tombés: 32 000 sans-emplois de plus.
Ami Sarkozyste, où donc es-tu ?