Ce n’est peut-être pas vrai dans tous les domaines (encore que…), mais ça l’est en storytelling : une histoire trop parfaite sera souvent moins efficace qu’une histoire qui révèle quelques fragilités qui la rende davantage humaine.
Illustration avec l’histoire de l’un des principaux parcs d’attraction européens.
Non ce n’est pas Disney, ce n’est pas non plus le Futuroscope ou l’un de leurs homologues bien connu.
Ce parc-ci est situé en Allemagne et accueille 4 millions de visiteurs chaque année (23ème du Top 25 des parcs d’attraction les plus visités dans le monde et deuxième d’Europe, derrière l’indétrôné Disneyland Paris).
Europa Park (le nom lui-même n’est pas trop « parfait ») est donc installé dans une petite ville du Bade-Wurtemberg, tout près de la frontière française et à proximité de grands axes routiers. Implantation stratégique ? C’est surtout que la famille Mack, propriétaire du parc, est du pays !
Pas d’études de marché, de grande stratégie etc.
D’ailleurs, au départ Europa Park a été conçu comme un showroom par les Mack, également fabricants de manèges et d’attractions (l’usine est d’ailleurs toujours installée dans les environs et réalise les nouvelles attractions du parc).
Succès aidant, il est vite devenu un parc complètement dédié au grand public. Pas à coups de tactiques mais d’opportunités saisies autour de la thématique européenne : c'est-à-dire que le parc est organisé en quartiers représentant chacun un pays européen.
Nouveautés régulières, construction d’hôtels dans le parc pour développer les séjours, offres confertainment, du classique. Des animations, aussi : spectacles sur glace, cascades à cheval, films 4D…
Plus osé : le parc possède son propre studio d’enregistrement télé, et produit d’ailleurs de nombreuses émissions (plusieurs centaines par an) pour la télé allemande. Ce n’était pas gagné d’avance. Mais quelle pub pour le parc !
Tout comme l’idée de lancer une animation autour du thème de l’horreur, les Terenzi Horror Nights, déconseillées aux moins de 16 ans (un peu plus costaud donc qu’une gentille parade d’Halloween). Pour un parc à vocation familiale, le succès n’était pas non plus acquis d’avance.
Tout comme l’ouverture au cœur de l’hiver, parce qu’il fait quand même très froid par là-bas.
Histoire parfaite donc ?
Non, il y a ici de l’inachevé, de l’humain. Chaque visiteur peut se dire que sur certains points, il aurait lui-même pu « mieux faire ». Par exemple, la mascotte, au nom pas très marketing : une souris baptisée Euromaus (Souris Euro). Ou ces approximations dans les documents de publicité en français : pendant longtemps, le slogan du parc était traduit littéralement de l’allemand : « Ici l’Europe s’amuse ». Un peu lourd, peu élégant. On pourrait citer encore d’autres exemples mais l’essentiel n’est pas là.
Ces imperfections font de cette histoire quelque chose de magique : en laissant à chacun la possibilité d’entrer dans l’histoire, de la faire sienne (« moi, avec un outil pareil, sur tel point particulier, j’aurais fait plutôt ceci… »), on permet à un large public de se l’approprier, de lui donner une réalité. L’histoire devient possible. Ou plutôt, au final, une histoire devient possible, car l’idée n’est pas de copier (difficile et ridicule à la fois) l’histoire de la famille Mack en changeant le nom des personnages, mais de s’en inspirer.
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