Quelques expos de rentrée parisienne en galeries, un peu en vrac.
C’est toujours un plaisir de revoir le travail de Patrick van Caeckenbergh à la galerie In
Situ / Fabienne Leclerc (jusqu’au 24 octobre), il y a, à des échelles différentes, certaines des pièces vues à la Maison Rouge, une encyclopédie autodidactique en accordéon et un savoir du monde en château de cartes / pyramide. Des personnages illustres composent une collection de coeurs brodés et un empilement de cloches de verre est entouré de photos de voûtes, comme un écho des mêmes formes. Une alcôve close de paravents décline sur une face l’histoire d’Ésope cependant que la face interne montre des animaux supposés ennemis comme chien et chat mais jouant ensemble (en haut) : une remise en cause de l’échelle de prédation affichée plus loin, qui mange qui ? Le travail de Caeckenbergh joue sur l’hybridité et le rêve, la place ambigüe de l’homme sur terre et l’ambivalence de la science et de l’art. Isabelle Gounod présente (jusqu’au 24 octobre) le jeune Wilson Trouvé, dont les pièces sont basées sur la fusion d’éléments somme toute banaux pour en faire des sculptures déconcertantes. Cette tour crénelée vue de près se révèle être un assemblage multicolore de Legos soigneusement empilés mais le feu a fait ses ravages aux étages supérieurs, amollissant les formes, décapant les couleurs et créant ainsi des nouveaux motifs improbables. D’autres s’assemblent en cube ou en triangle, mais toujours les formes élémentaires sont malmenées, rendues ‘informes’ et détournées. Sur le mur du fond, c’est un sommier métallique qui sert de support aux cubes de plastique noir que la chaleur a rendus mous et collants : c’est une partition musicale injouable, ou le gril de Saint Etienne avec ses chairs calcinées en relique. Au premier abord plaisant et décoratif, c’est en fait un travail dans la droite ligne du minimalisme, mais d’un minimalisme corrigé par des forces chtoniennes, adouci par le feu originel. Je veux encore citer Ugo Rondinone (très présent à Paris cet automne) chez Almine Rech (jusqu’au 15 octobre) avec de grandes portes noires antiques fort impressionnantes, et Zoulikha Bouabdellah à LA BANK (jusqu’au 31 octobre) qui prête à la calligraphie du mot amour (Hobb) en arabe des postures anthropomorphes rouges et noires conjuguées, passion et néant, dont le jeu de diapositives au sous-sol de la galerie éclaire la chorégraphie avec érotisme. Enfin, le curateur Christian Alandete a eu la bonne idée de rassembler à la galerie Kamchatka (jusqu’au 17 octobre) Rachel Labastie et Nicolas Delprat, couple à la ville, mais, jusqu’à présent, pas à la scène en réunissant leur travail sur le thème de la disparition du corps. Les toiles de Nicolas Delprat (Zones) sont des grillages infranchissables derrière lesquels apparaissent des phares livides qui n’éclairent que nous : zones interdites, menaces diffuses, attrait et peur de l’inconnu, de la transgression, du franchissement dans un univers désert et inhumain, où on se sent à la merci d’une mort robotisée : de quel côté sommes-nous ? A cette dangereuse absence d’hommes dont on ne sait rien sinon les lumières qu’ils émettent, Rachel Labastie répond par l’empreinte en creux du corps des hommes, non point corps érotisé ou sensuel, mais corps d’esclaves, corps de prisonniers, corps entravés, enchaînés, contrôlés. Corps disparus depuis longtemps, mais dont restent ces traces, ces empreintes, comme si ces chaînes étaient encore habitées par les fantômes de l’horreur (Entraves). Une autre pièce de Rachel Labastie, qu’il faut mériter en se contorsionnant à quatre pattes pour entrevoir la paroi d’un puits, montre un corps, le sien sans doute, qu’on croit apercevoir, saisir au moins par le regard, par la pensée comme pour nourrir nos rêves, mais qui s’échappe, se dilue en fumée, s’évanouit, insaisissable (Sculpture).Quant à ma visite de Versailles, je ne vous en dirai rien, n’ayant guère de goût à gloser sur le superficiel.