Le service était presque terminé, les pèlerins avaient repris leurs baluchons et leurs bâtons de marche avant de s'éloigner sur le petit chemin pierreux. Dans la salle ne restaient que les deux serveuses, Marthe et Marie, éreintées par le coup de feu de midi. Le Jésus, un vagabond qui passait parfois manger un maigre morceau à l'auberge, leur tenait compagnie.
A voyager, on voit du monde et le Jésus n'était pas avare de mots pour narrer ses déambulations aux deux femmes avides de nouvelles d'ailleurs. Oubliant la vaisselle qui s'empilait dans la cuisine et le balai qu'il faudrait passer sous les longues tables en bois, les deux servantes buvaient les paroles du beau parleur. « Et Lazare, si vous saviez le nombre de fois où je l'ai fait marcher, il est d'une crédulité enfantine. » Marthe et Marie ouvraient de grands yeux ronds d'étonnement, « Mais on dit au village qu'il est paralysé ? ». Se rengorgeant, le Jésus éclata d'un grand rire sonore « Ha ! Ha ! Ha ! C'est un gros flemmard, oui ! ». D'une seule voix les deux souillons « Non ? », ce à quoi le Jésus abrupte, répliqua « Mais si ! » et se levant il sortit de l'auberge pour prendre la route de Béthesda.
Le Christ dans la maison de Marie et de Marthe une des premières œuvres (1654-1655) de Vermeer