La preuve, c'est que j'y parle essentiellement de cinéma, plutôt d'un film de seulement 20 minutes que j'ai dû voir sept, huit, dix fois et qui à chaque fois, me met par terre : L'amour existe (Maurice Pialat 1961), cartographie sensible et rageuse de la banlieue parisienne. Si vous ne l’avez pas vu, c’est là, toutes affaires cessantes. Pourquoi l'envie de reparler d'un tel film aujourd'hui ? Parce qu'à l'heure où les plus éminents architectes, urbanistes et penseurs sont invités à penser le Grand Paris, le film de Pialat rappelle que le développement de cette métropole capitale de plus de 10 millions d’habitants est une vieille histoire et que le manque de partage entre le centre et sa périphérie est tel que ce n’est pas tout de suite que le retard sera comblé. L’ingratitude des relations ! Grand thème de Pialat, ici brillamment abordé pour la première fois. Reste qu’avant d’ausculter ces nœuds relationnels au sein des couples et des familles, Pialat savait les mettre à jour entre les villes. Prophétique et atemporel, le film n’a rien perdu de sa force.
Autre détail troublant (que je ne suis pas le premier à remarquer), ce raccord mental entre les derniers plans du film et l’image la plus fameuse de Pialat, il y a une vingtaine d’années dans un certain palais des congrès du Sud de la France :
« La main de la gloire qui ordonne et dirige, elle aussi peut implorer. Un simple changement d’angle y suffit. » Ce sont les derniers mots de L’amour existe, révélant la polysémie des attitudes apparemment figées dans la pierre : pitié et douleur derrière la gloire, mais aussi élans d’insurrection derrière le figé du monumental. Pour Pialat cinéaste, derrière les honneurs, la persistance de l’intranquillité. Derrière la grisaille de son court-métrage, l’amour persiste et les élans demeurent vifs. Forza !