3h10 pour Yuma

Par Tepepa

3 :10 to Yuma
James Mangold
2007
Avec : Christian Bale, Russel Crowe, Ben Foster
Bigger, louder, faster, nastier. La diligence est blindée et dotée d’une mitrailleuse, elle fait un tonneau après qu’un assaillant explose à cause de la dynamite dans sa sacoche (tiens, c’est une bonne idée ça didon!), les survivants sont tous massacrés par le psychopathe de service. Commençons donc par ça. Je suis fatigué des psychopathes de service. J’aime bien Ben Foster en artiste névrosé dans Six Feet Under, je l’aime moins, malgré son beau panache, en Charlie Prince dans 3h10 pour Yuma. Ça fait vingt ans que l’on nous ressert toujours le même genre de psychopathes froids, déterminés, qui tuent sans broncher les gens (en les cramant dans la diligence cette fois là). L’archétype est tellement usé que le frisson n’est même plus là, pas le moindre petit grincement de dents, le Silence des agneaux, c’était en 1991 les mecs, faudrait voir à se renouveler. L’histoire aurait été tellement plus forte en faisant de Charlie Prince un type juste dangereux, mais follement amoureux de son patron. Au lieu de cela, il tue tellement de monde qu’on se demande pourquoi c’est Ben Wade qu’ils veulent mettre en prison et pas son homme de main, et son admiration amoureuse est juste exposée platement sans être notablement développée.
James Mangold passe ensuite en mode express, décidé à en donner au pékin pour son argent. Les péripéties s’enchaînent sans temps mort, Ben Wade se débarrasse de quelques uns de ses geôliers sans que les survivants ne pensent à l’entraver de façon plus efficace. Comme dans Appaloosa, l’épisode des indiens maraudeurs semble juste être là pour « faire western », la torture à la gégène est totalement ridicule (admettons, le gars qui a tué votre frère vous tombe entre les pattes, vous allez vraiment le torturer là comme ça, en plein milieu d’un chantier rempli de monde ?) et l’Ouest dans lequel évolue nos personnages est tellement violent et corrompu (la sécheresse qui accable le fermier dans l’original ne suffisait visiblement pas, il fallait bien qu’il soit aux prises avec des enfoirés de promoteurs qui lui crament sa grange, mais notons quand même qu’ils se sont abstenus de violer sa femme) que l’on se demande pourquoi trois ou quatre d’entre eux sont si déterminés à emmener un criminel pour le juger dans les règles.

En bref, la surenchère (spaghetti ou non) j’adore quand on a un scénario qui s’y prête, j’aime moins quand le matériau de base est une intrigue psychologique où la violence extrême et la corruption devraient former une singularité dans un monde en voie de civilisation, et non pas un monde entièrement anarchique où seuls deux ou trois gus semblent encore respecter la loi et l’honneur (en témoigne le massacre des hommes de loi de Contention, pourquoi donc continuer à discuter après ça, pour quoi ne pas tirer dans le tas tout de suite au lieu d’attendre 3h10?).
James Mangold n’est pas, malgré tout, n’importe qui. Il a réalisé l’excellent Copland. Il n’oublie donc pas les ressorts psychologiques de l’original, et parvient même à les développer et à les rendre plus intéressants, ce qui représente un beau tour de force au milieu de cette soupe western vitaminée. La relation père-fils en particulier, est vraiment très subtilement développée, et Christian Bale est tout simplement formidable en Dan Evans, avec son visage émacié, ses yeux fatigués, ses doutes lisibles dans ses sourires gênés. Russel Crowe est beaucoup moins bon, trop gros, trop bourrin, sans cette espèce de séduction qu’avait Glenn Ford. Comme dans l’original, malgré la progression narrative qui permet à ces deux là de se connaître et de se reconnaître, l’espèce d’amitié qui se lie entre eux à la fin tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Dans cette foutraque et irréaliste course finale vers la gare, de pure convention western (ça canarde de partout, Wade et Evans ne sont pas touchés, le fermier avec sa patte de bois saute sur les toits (normal, c’est Batman hé !) et descend des dizaines de poursuivants), Wade prend soudain conscience de quelque chose et décide d’aider Evans. Le point de vue sur la course poursuite change alors, la scène atteint alors une sorte d’état de grâce cinématographique qui la transcende, et le spectateur ne peut plus que regretter que ce moment précieux n’ait pas été mieux amené, mieux construit.

Puis, le portnawak reprend ses droits, dans un effort vain de se démarquer à tout prix de l’original. On pourrait ergoter longtemps sur la conclusion du film, chercher le pourquoi du comment de l’acte de Wade, la réalité aura à mon avis plus à voir avec la vogue à la mode de faire du théâtral et de l’inattendu à tout prix, quitte à ne pas faire beaucoup de sens.
Une semi-déception donc, si le film tient la route, est correctement réalisé et parvient à tenir son intrigue jusqu’au bout, 3h10 pour Yuma ne parvient pas à devenir un grand film (en cela, il me fait fortement penser à Tombstone, film plaisant mais un peu délirant qui partage avec le film de Mangold les mêmes défauts et les mêmes qualités). Il se contente donc d’être un western plein d’action, divertissant et fun, dont ne restera en mémoire que le personnage de Christian Bale, très bien composé.

Capture: Metek sur western movies