De la destruction ultra-médiatisée de la "Jungle" à Calais à la mise en scène du voyage présidentiel à New York, la nausée médiatique n'est pas loin. En France, François Fillon et Jean-François Copé ont pollué le spectacle en proposant de taxer les indemnités journalières versées aux victimes d'accidents de travail. Accident de parcours ? Pas vraiment.
Nausée humanitaire
Moins de 24 heures après la destruction médiatisée et aux bulldozers de la « jungle » de Calais, les migrants sont de retour sur place. L’AFP rapporte que des dizaines d’entre eux sont revenus.
« Des associations d'aide aux migrants rapportent que des dizaines d'entre eux, interpellés mardi ou partis dans les semaines qui ont précédé l'opération, cherchaient mercredi de nouveaux lieux où passer leurs nuits. Certains ont trouvé refuge dans d'autres petits camps de fortune ou dans des tentes plantées dans les dunes. Plusieurs dizaines sont venus à midi à la distribution de repas, organisée par l'association La belle étoile. »Depuis mardi, Eric Besson, le ministre de l’identité nationale, s'efforce, sur toutes les ondes radiophoniques, de défendre cette intervention. La destruction s’est faite sans heurts (ah bon ?), et elle visait à décourager les passeurs et non pas à interpeler des sans-papiers. La veille, il s’était mis en scène, sur place à Calais : «Ça s'est bien passé, non ? Nous avons restauré l'état de droit sans violence. Nous avons cassé l'outil de travail des passeurs» a-t-il déclaré. Les faits sont pourtant têtus. La « Jungle » se reconstituera, ailleurs et dans la douleur. Un coup d’épée dans l’eau ? Devant les journalistes, Eric Besson ose tout : "Je veux remercier les CRS qui ont preuve de délicatesse".
Eric Besson : "Welcome to the jungle"...
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En Angleterre, la destruction du site de Calais est présentée comme l’illustration de l’échec de la politique européenne de lutte contre l’immigration clandestine. "La 'jungle' de Calais a été évacuée, mais l'afflux de désespérés ne fait que commencer" titre The Daily Telegraph. D'autres soulignent également que le durcissement, général, des procédures d’asiles, en Grèce, en Italie ou en France, n'a fait qu’aggraver le problème : "Les Français, par exemple, qui font face à 35 000 demandes d'asile par an, ont beaucoup compliqué les procédures pour empêcher les clandestins de Calais de déposer une demande. La situation est encore plus désespérée aux frontières de l'Union européenne. La Grèce, le pays de transit de beaucoup de ceux qui parviennent à Calais, a accepté l'an dernier moins de 1 % des demandes d'asile qui lui étaient faites. L'Italie a suscité l'inquiétude lorsqu'elle a entrepris d'intercepter en pleine mer les bateaux de migrants pour les forcer à retourner vers la Libye, sans même examiner les demandes d'asile de leurs passagers." (The Guardian)
En juillet 2008, Brice Hortefeux, alors ministre de l’immigration, s’était félicité de la conclusion d’un pacte européen d’immigration. Ce dernier comprenait un volet sur les sans-papiers. Un an plus tard, on mesure mieux combien tout ceci n’était que façade et opération de communication. Malgré tous ces efforts, le gouvernement Sarkozy peine à tenir ses promesses en matière d’immigration. Nous n’avons que la honte, sans l’efficacité. Malgré une mobilisation de toutes les polices de France, les services de l’identité Nationale trouvent péniblement une dizaine de milliers de véritables sans-papiers à expulser chaque année, et au prix de contorsions morales incroyables (rafles aux sorties d’école, harcèlement des aidants, etc). La politique du chiffre est coûteuse, et les résultats gonflés d’une quinzaine de milliers de clandestins comoriens échoués à Mayotte, et de Roumains et Bulgares, « nouveaux » Européens aussitôt revenus.
Eric Besson n'était pas seul, cette semaine, à faire son one-man show. Son patron de président, depuis New York, s'affiche en maître.
Nausée médiatique
Mercredi 23 septembre, Nicolas Sarkozy est intervenu depuis New York dans les journaux télévisés de TF1 et France 2. L'interview était enregistrée. Non pas que l'agenda du président soit excessivement chargé (il est même étonnamment vide), mais l'enregistrement enlève le stress du direct. A New York, Sarkozy est surtout en famille, avec son épouse Carla et son fils Louis (cf photo). A l'ONU, Sarkozy est intervenu mardi à la tribune pour une déclaration de quinze petites minutes (comme tout le monde), noyée au milieu de celles de 120 autres chefs d'Etat. La presse américaine a à peine relevé les propos du Monarque français. L'attention était ailleurs, vers le Colonel Khadafi, le président iranien "réélu" Amahdinejad, ou Barack Obama. Pour Sarkozy, son intervention à la télévision française était plus que jamais l'occasion de scénariser une importance qu'il n'a pas. L'occasion aussi de livrer ses positions sur tous les sujets, sans relance ni question trop précise de la part des deux journalistes. On le sait depuis longtemps, les interviews de Nicolas Sarkozy sont une succession de petites phrases et autres bons mots destinés à frapper les opinions et taire les critiques.
Clearstream, Hortefeux, l'Iran, les bonus et même sa future candidature à l'élection présidentielle de 2012, tous les sujets furent donc survolés. Sarkozy avait la mine de circonstance, donc grave, le regard déterminé, le ton tranchant, la parole sans hésitation. Tout est possible pour se donner de la stature. A propos de la polémique affectant son ministre de l'Intérieur, le président défend son "ami" : "L'idée même du racisme, ou même de la blague à connotation raciste, lui est totalement étranger." C'est un "homme profondément humain." "Il y avait beaucoup de transe dans les reproches qui lui ont été fait." A propos des accusations de Dominique de Villepin à son encontre dans l'affaire Clearstream, Sarkozy parle "probité" et "honneur". Il commet un effroyable lapsus: "Au bout de deux ans d'enquête, deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel". Villepin est ainsi proclamé coupable. Jamais un chef d'Etat n'a été ainsi accusé de manipuler la justice à son profit, en s'acharnant sur un rival potentiel. Sarkozy n'en a cure. La rupture, c'est aussi cela.
David Pujadas ne résista pas à l'envie de lui demander s'il pensait, "le matin en se rasant" à sa réélection. Sans surprise, et sans conviction, le Monarque répond que non, il n'y pense pas. Hypocrite ou sincère ? Hypocrite. A propos de Clotilde Reiss, Sarkozy affirme qu'il n'y aura pas d'échange de détenus iraniens pour obtenir sa libération. On peut le croire... On se souvient qu'il avait fait libérer les infirmières bulgares grâce à de généreuses donations des Emirats Arabes Unis.
Sur les bonus bancaires, Sarkozy met la barre artificiellement plus haut que ses précédentes déclarations: "Nous voulons clairement que le montant des bonus soit plafonné en fonction, par exemple, d'un pourcentage du chiffre d'affaires, d'un montant de fonds propres". Il suggère que la France et l'Allemagne sont précurseurs: "L'Europe s'est mis d'accord sur la position de la France et de l'Allemagne". C'est faux. L'Europe a simplement promis d'en étudier la faisabilité! Et la France, soit-disante avant-gardiste, n'a pris aucune décision de plafonnement des bonus bancaires, y compris pour les banques qu'elle a aidées. En Sarkofrance, il n'y a que les impôts des plus riches qui sont plafonnés... grâce au bouclier fiscal.
Malheureusement pour Nicolas Sarkozy, le débat s'est déplacé loin des sujets internationaux qu'il nous servait cette semaine. Même à New York, il a dû réagir à la polémique du jour, servie sur un plateau par Jean-François Copé: la taxation des indemnités versées par la Sécu aux accidentés du travail. Pour Sarkozy, c'est une question de ... justice sociale.
« Nausée fiscale »
Les finances du pays vont donc si mal que certains sont prêts à tout. Jean-François Copé, chef de file des députés UMP de l’Assemblée Nationale, s’est ainsi réjoui d’avoir convaincu le gouvernement de soumettre les indemnités journalières versées par la Sécurité Sociale aux victimes d’accidents du travail à l’impôt sur le revenu. Sauf contre-ordre, le projet de budget 2010 intègrera ainsi de nouvelles recettes budgétaires avec l'imposition de ces indemnités, estimées entre 150 et 250 millions d’euros par an. Le groupe PS a facilement dénoncé la « nausée fiscale » créée par cette « triple peine » infligée aux malades : "Aux traumatismes liés à l'accident, à la diminution des revenus (les accidentés sont indemnisés à 80% du salaire journalier de base), s'ajoute maintenant l'imposition dès 2010".
C’est une mesure « logique» a commenté Eric Woerth, le ministre de Budget : "Il est assez naturel de fiscaliser de la même manière que les revenus du travail le revenu qui remplace le revenu".. Copé avait fournit la même explication… inique : "Lorsque vous êtes malade, en arrêt maladie, lorsque vous êtes au chômage vous payez des impôts et lorsque vous avez un accident du travail vous ne payez pas d'impôt. Il y a une injustice d'une situation par rapport à l'autre".
La simple suppression de bouclier fiscal rapporterait quelques 800 millions d'euros par an. Mais en Sarkofrance, il vaut mieux taxer les accidentés du travail...
Qui n'a pas la nausée ?
Ami Sarkozyste, où es-tu ?