Traduit dans plus de 12 langues, la saga des Tara Duncan fait partie des sorties récurrentes chaque année à peu prés à la même époque. Le tome 5, Le Continent Interdit, vient de sortir depuis quelques jours et il se retrouve déja dans les meilleures ventes générales...
Les Histoires Sans Fin est allé à la rencontre de la créatrice de cet "Autremonde", Sophie Audouin-Mamikonian...
Les Histoires Sans Fin : Quand on n’est pas « Taraddict », forcément on ne vous connaît pas très bien. Donc, on fait quelques recherches et là… Quelle ascendance ! Ce n’est pas trop lourd à porter tout ça ?
Sophie Audouin-Mamikonian : En fait, j’ai 15 écrivains dans la famille, mon arrière-grand-oncle était Tristan Bernard, mon arrière-grand-père a écrit Macao ou l’enfer du jeu, Fanfan la Tulipe,… tous ces films mémorables. Ma grand-mère a publié chez Flammarion, elle a écrit Neige, Mademoiselle Fanny,… Mon grand-père était directeur du Matin. J’ai juste une hérédité effroyable sur les épaules qui fait que je collectionne les livres depuis l’âge de 12 ans, j’en ai plus de 20 000 chez moi. Forcément, à un moment ou à un autre, j’allais écrire. J’ai écrit 40 livres. Le premier, Tara Duncan, n’a été publié que 20 ans après avoir été écrit, c’est-à-dire en 2003.
L.H.S.F : Le tome 5 des aventures de Tara Duncan, Le Continent Interdit, est sorti il y une dizaine de jours et si j’ai tout bien compris, il y en aura 10 en tout. À mi-parcours, qu’est-ce que vous a apporté la jeune « sortcelière » ?
S.A.M : Là, en fait, nous en sommes à la moitié de son chemin d’apprentissage. Nous allons passer du roman d’apprentissage au roman initiatique pour se terminer par le roman « romanesque ». Je trouve ça intéressant de traiter différents genres aux moments où elle grandit. Elle m’a apporté une vision du caractère des gens et des traits des êtres humains beaucoup plus fouillée, beaucoup plus intéressant. Quand vous décrivez le caractère de quelqu’un sous votre plume, vous devez vous inspirer énormément de ce qu’il y a autour de vous. Quand j’ai déposé Tara Duncan, en 1991, j’avais 25 ans et à l’époque je n’étais pas aussi empathique que je le suis aujourd’hui. Je suis devenu une sorte de vampire qui attire tous les sentiments que je sens autour de moi et je les retranscris dans mes livres.
L.H.S.F : Quand vous avez commencé à écrire le premier volume de Tara Duncan, vous saviez déjà comment ce monde allait évoluer ?
S.A.M : Je venais d’avoir ma première fille, j’étais en train de relire l’intégral de Shakespeare et notamment le Songe d’une nuit d’été et je me suis demandé d’où venait la magie de ces personnages : Puck, Titania, Obéron… et c’est là que j’ai imaginé Autremonde. J’ai commencé par la planète, les peuples, les relations politiques et économiques entre les peuples, ensuite j’ai imaginé mes personnages : Tara, le demi-elfe, etc.
L.H.S.F : J’ai lu sur Internet — je crois que c’est un fan qui écrit ça — que le plus gros défaut de la saga des Tara Duncan avait été de sortir après Harry Potter. Comme on ne peut passer à côté de la comparaison, vous en pensez quoi vous ?
S.A.M : (Rires) Si c’est son seul défaut, je trouve ça cool, c’est bien… mais c’est vrai que quand je suis allée montrer mon manuscrit de plus de 1 000 pages en 1991 aux éditeurs on m’a dit : « Votre livre est trop gros et la magie ça ne marchera jamais. » Démentis cinglants de la part d’Harry Potter quelques années plus tard et là les éditeurs sont revenus me voir en me disant : « Vous n’aviez pas un truc avec des dragons, des elfes et des licornes ? » et donc ma saga est sortie bien après, ce qui a fait que c’était assez dommageable parce qu’elle n’a pas pu avoir l’essor qu’a eu Harry Potter. Je me dis que, maintenant, Harry Potter se termine et ça laisse toute la place pour Tara. Tiens, je vous donne un scoop : j’écris la fin d’Harry Potter pour le journal « Elle ». Pour le 22 octobre, « Elle » a demandé à trois auteurs d'écrire « leur » fin du tome 7. Moi, j’ai lu le tome 7 en anglais et j’ai donc écrit la fin telle que je me l’étais imaginée avant de la lire.
L.H.S.F : Pour rester dans la comparaison, est-ce que comme J.K Rowling, vous saviez quand vous avez commencé la saga comment celle-ci allait se terminer ?
S.A.M : J’ai mis 17 ans à être publiée donc j’ai eu le temps. Toute la trame est déjà écrite, j’ai écrit le début, le milieu et la fin. Je n’ai plus qu’à remplir, ce qui me fait tenir ce rythme d’un gros livre par an. Chaque fin de chaque livre est déjà écrite.
L.H.S.F : Une petite dernière. Si je n’avais pas peur de vous voir partir en colère, je vous poserais quand même cette dernière question sur le sujet : « Vous n’en avez pas assez que l’on vous parle d’Harry Potter ? »
S.A.M : Non, pas du tout. C’est vraiment grâce à Harry Potter que j’ai été publiée et qu’aujourd’hui je suis numéro 1 en France en tant qu’auteur jeunesse. Ce serait malséant de ma part de dire « A bas Harry Potter ! ». Je trouve formidable qu’Harry Potter m’est permis de publier au bout de tout ce temps.
En France, le problème, c’est que nous n’avons pas cette culture de la Fantasy qu’ont les Anglo-Saxons, d’abord ils ont eu Shakespeare, ensuite Mary Shelley avec Frankenstein, Lewis Carrol avec Alice aux pays des merveilles, Lovecraft et son Mythe de Cthulhu, etc. Ils ont une vraie culture du fantastique. Nous sommes un pays de mathématiciens et d’ingénieurs cartésiens.
Quand je suis arrivée avec mes histoires de dragons et d’elfes, ça ne pouvait pas marcher, c’était logique.
L.H.S.F : Vous pensez quoi de votre sort dans les médias ? N’est-ce pas un peu injuste de passer au second plan ?
S.A.M : Les médias français ont une sorte de snobisme que je trouve assez agaçant, c’est d’encenser ce qui vient de l’extérieur et de ne pas parler de ce qui vient de l’intérieur. Par exemple là, nous avons fait une grande soirée à La Scala avec plus de 1 700 personnes toutes déguisées, nous n’avons eu qu’une seule télé c’est Direct 8 ! Aucune « grande » chaîne n’a voulu se déplacer. Alors que pour la sortie d’Harry Potter, elles sont toutes là ! Les médias français ne nous soutiennent pas, ce n’est pas très sympa…
Même par rapport aux écrivains comme Christine Angot, je vends 10 fois plus qu’elle et l’on parle 10 fois moins de moi. Je ne cherche pas à être starisée, mais je trouve que l’on ne nous rend pas assez hommage, alors que nous travaillons comme des malades… Je trouve ça très frappant, je vais bientôt sortir un livre, un thriller, pour adulte qui s’appelle La Danse des obèses, chez Robert Laffont. Tous les journalistes à qui j’en ai parlé m’ont fait : « Ha ! ça va être votre premier roman… » C’est quand même incroyable de dire quelque chose de pareil ! C’est mon huitième livre…
L.H.S.F : Quand on va sur votre blog (mi-perso / mi-Tara), on a l’impression que vous êtes un peu la maman de vos lecteurs, vous allez même jusqu’à leur dire de bien se couvrir quand ils viendront se faire dédicacer les livres… C’est important pour vous ce rapport ?
S.A.M : (Rires) J’ai un côté très « cot-cot ! », très maman poule. Je suis très protectrice à l’égard de mes lecteurs. Ils ont créé une immense famille avec des centaines de membres qui chaque jour donnent de leurs nouvelles. Ils ont créé cette communauté des « Taraddicts ». De plus en plus de lecteurs viennent sur mon blog pour se retrouver dans cette espèce de « fan-club »…
L.H.S.F : C’est une sorte de « Communauté de l’Anneau » français !
S.A.M : C’est exactement ça…
L.H.S.F : Est-ce que ce rapport, justement, de proximité avec vos lecteurs ne brouille pas un peu votre travail ? J’imagine qu’il doit y avoir des réactions vives quand vous faites faire ceci ou cela à l’un des personnages, quand un héros souffre, peut-être même meurt… Cela ne vous influence-t-il pas ?
S.A.M : Non, non. Je ne peux pas. Pour plusieurs raisons, mais en numéro 1, ma trame est déjà écrite. Je sais exactement où je vais. Et la raison numéro 2 est que personne n’est jamais d’accord. Je donne un exemple : le nom de mon dragon est Chemnashaovirodaintrachivu, ce qui n’est pas facile à dire… J’ai une partie de mes lecteurs qui adore ce nom, et une autre partie me dit que c’est beaucoup trop long, qu’heureusement que je l’ai coupé en Maître Chem. Personne ne sera jamais totalement satisfait donc je continue mon bonhomme de chemin…
L.H.S.F : Changeons un peu de sujet : pour les petits, vous venez de sortir Clara Chocolat, vous pouvez nous en parler ?
S.A.M : Clara Chocolat, c’est en quelque sorte la petite sœur de Tara Duncan. Depuis quatre ans, à chaque fois que je fais des dédicaces, j’ai des lecteurs qui me disent qu’ils ne peuvent pas faire lire Tara Duncan à leurs petits frères et sœurs, parce qu’ils ont 5-6 ans, qu’ils sont trop petits et que je devrais écrire des histoires pour eux, pour qu’ils puissent rentrer dans l’univers de Tara Duncan. J’ai ressorti ces histoires de Clara Chocolat que j’avais créées et que je lisais à mes filles quand elles étaient petites. C’est plein d’humour et de magie et j’essaie même que cela soit ludique. J’ai toujours pensé que si l’on avait abordé, à l’école, les matières de façon ludique, j’aurais certainement appris d’une façon beaucoup plus aisée.
L.H.S.F : Juste pour faire patienter les fans… Il se passera quoi dans le tome 6 : La planète des Dragons ?
S.A.M : Haaa ! Tara va se retrouver à la fin du tome 5 face à un choix cornélien et dans le tome 6 face à un certain nombre de challenges. Le premier, faire revenir son père. Le deuxième, empêcher sa mère de s’amouracher encore d’une espèce de bellâtre. Et le troisième, essayer de sauver deux personnes, une qu’elle hait profondément et qu’elle ne veut pas sauver et l’autre qu’elle adore mais dont elle se méfie.
L.H.S.F : Merci… Votre Altesse…
S.A.M : Merci (Sourire).
Interview du 15 octobre 2007