Le réalisateur John Hughes est mort jeudi d'une crise cardiaque à New York. Il avait 59 ans. Trop jeune, selon l'avis général. La vie est ironique. Bien qu'il ait longuement parlé d'eux dans ses films, on parle ici d'un homme qui appartient à un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Et dont les 3/4 des gens ne se souviennent plus.
John Hughes, c'était dans les années 80, le précurseur du "teen-movie" à l'américaine, avant que celui-ci ne tombe dans la vulgarité type fourrage masturbatoire de tarte aux pommes dans la cuisine. "Pretty in Pink", "Weird Science" (un aperçu avant l'heure des geeks), le hit "The Breakfast Club" et même le scénario de "Maman j'ai raté l'avion", c'était lui.
Son film le plus emblématique, "The Breakfast Club", sorti en 1985, symbolise à lui seul toute une génération. Cinq ados, aux personnalités bien définies et emblématiques de la jeunesse (ici, des années 80, mais de la jeunesse tout court), à savoir "the brain, the prom queen, the criminal, the basket case et the athlete", se retrouvent au lycée un samedi matin, tous collés. Ils vont apprendre à dépasser les clichés imposés par leur micro-société (la classe) et à se connaître. A la fin du film, une question au spectateur : "Qui pensez-vous être" ? Coup de génie, pourtant pas bien sorcier. Des millions d'adolescents se reconnaissent dans cet esprit naïf et lucide, bon enfant et furieusement optimiste sur l'avenir. Toute une époque, quelque peu révolue.
Aujourd'hui encore, les hommages cinématographiques (voir la scène de Dogma où Jay et Silent Bob parlent de John Hughes. OK je sais, ce n'est pas du grand cinéma à la Antonioni, mais c'est bien marrant quand même) pleuvent, et toute une génération de metteurs en scène a été inspirée par le réalisateur.
En 1991, après "Maman j'ai raté l'avion", John Hughes arrête la mise en scène et se consacre à l'écriture. Pas toujours pour le mieux : en 2001, le pauvre s'attèlera à l'adaptation des Visiteurs en Amérique, un magnifique désastre, et à quelques films disneyiens (Beethoven, Denis la Malice, on aime quand on a 10 ans). Pas forcément toujours fier de ses contributions, Hughes signait parfois sous le pseudonyme d’Edmond Dantès.
Reclu à Chicago depuis des années, dégoûté par le système de broyage hollywoodien dans lequel il ne se reconnaît pas, pour lequel il est sans doute passé de mode, pour ses fans il reste terriblement populaire, son aura de maître de la comédie teenage intact, et on ne parle pas là d'une simple bande de geeks cinéphiles. Un montage entre un extrait de "Breakfast Club" et une chanson du groupe Phoenix (Lisztomania), fait fureur sur le Web : 300 000 vues.
La curiosité la plus étonnante, l'hommage le plus vibrant, reste celui d'une fan, Alison Byrne Fields, qui a entretenu une correspondance épistolaire avec John Hughes pendant plus de 20 ans, depuis 1985 et la sortie de "Breakfast Club". Abérrant à une époque où les réalisateurs sont inaccessibles ou ne correspondent, comme les présidents, que via Twitter ou Facebook. Jusqu'au jour où elle a une conversation téléphonique de plus d'une heure avec son "pen pal" (son "ami de plume"). Elle raconte toute l'histoire sur son blog, et ca laisse rêveur, quant à la simplicité des rapports qui peuvent encore se créer entre une simple fan et un réalisateur, aussi reclus et oublié soit-il.
=>> le lien direct du blog d'Alison Byrne Fields, "We'll know when we get there", littéralement "on saurait quand on y sera". A la fois émouvant et jubilatoire.
Sincerely, John Hughes