Pour Le Meilleur Et Le Peer-to-peer

Publié le 10 septembre 2009 par Sagephilippe @philippesage


Or donc, pour M. Christophe Lameignère (PDG de Sony Music France et Président du SNEP – comme quoi, il n’y a pas que dans la politique qu’on trouve des “cumulards”) les opposants à loi Hadopi seraient des donneurs de leçonsn’ayant jamais rien fait pour la création”, mais ils seraient aussi, et “contrairement à l’image qu’on a du pirate romantique” des “voleurs à la petite semaine qui n’ont aucun courage” … [Voir la Vidéo]
.. Ça c’est intéressant, dis-donc ! Car cela signifie que, dans l’esprit de M. Lameignère, un opposant à la loi Hadopi est forcément un internaute qui télécharge illégalement de la musique, des films, etc.
A-t-il seulement imaginé, ce Monsieur, que l’on peut s’opposer à une loi juste parce qu’elle nous apparaît absurde, inique, liberticide, voire inapplicable ? Donc, sans être pour autant un “pirate” puisque tel est le mot (convenu et ridicule) qu’il emploie.
Nonobstant, et emporté par son élan (qui ne m’émeut guère) M. Lameignère considère comme “totalitaire” l’attitude des opposants à cette loi, les traitant même de dénonciateurs “planqués derrière” et un pseudonyme, et leur ordinateur. Et de conclure :
On ne peut pas avoir confiance en des gens qui dénoncent et refusent de s’identifier !”.
Comme quoi, les temps changent, M. Lameignère, car fut une époque, pas si lointaine, non seulement “on” faisait diablement confiance aux dénonciateurs anonymes, pire même, "on" les récompensait ! Car c’est bien à cette époque, et à ce genre de personnes malfaisantes, que vous faites, très élégamment, référence ; n’est-ce pas ?
M. Lameignère, je ne me “planque” pas derrière un ordinateur, mon nom réel est affiché en gras sur cette page dite virtuelle, comme ailleurs.
Je ne sais, qui plus est, d’où vous sortez cette image de “pirate romantique” - hormis de votre imagination pénible - ce que je sais en revanche, c’est que les romantiques, Monsieur, ils ont “branché leur destin aux abonnés absents” et que la musique, celle que vous produisez, souvent, trop souvent, au kilomètre, vous la vendez "comme du savon à barbe”.
Quant à la loi Hadopi, je m’en contrecarre le coquillard, et vous savez pourquoi ?
Parce qu’elle n’a aucune chance de passer.
Ou alors, vidée de sa substance. Et - pardonnez-moi ce jeu de mots facile - ce ne sera que justice. Son échec, vous obligera à faire preuve (enfin) d’imagination, de repenser l’industrie du disque, d’en créer une nouvelle, une plus belle, adaptée à son temps, bref, à vous sortir, et fissa, les doigts. Plutôt que de larmoyer constamment et de faire des amalgames honteux, qui de surcroit, vous dépassent.
M. Lameignère, je m’en vais vous raconter deux histoires. Vraies.
Celle d’un gosse de cinquième.
C’était un cours d’anglais. Automne 1974. Ce jour-là, pas de verbes irréguliers ni de devoirs à rendre, non, mais un documentaire en noir et blanc avec de la musique dedans. Une musique que je ne connaissais pas.
Je me souviens, ça faisait : “Gooooood day, suuuuunshine !” et je trouvais ça magique. A ce point, que je la voulais, cette musique.
Je la voulais ; je l’ai volée.
Oh, c’est pas ma faute, M. Lameignère, c’est une copine de classe (que je ne dénoncerai pas …) qui voyant ma détresse me dit que cette musique, elle l’avait, et que demain, promis, elle me l’amènerait.
Et voilà comment je me retrouvais “Revolver” à la main.
Et voilà comment, M. Lameignère, je fis ma première copie. Sur K7. Vierge.
Voilà comment, je privais Paul McCartney, John Lennon, George Harrison et Ringo Starr, de quelques précieux deniers.
Bien sûr, M. Lameignère, vous ne pouvez pas comprendre, parce que vous ne l’avez jamais fait, ça, copier un album sur une K7, tant vous les respectez, les artistes. Mais quand bien même, je dois vous avouer que bientôt, des K7 de ce genre, j’en ai eu des centaines. Et des centaines. Et des centaines. Les jaquettes, je les faisais moi-même, et je vous prie de croire que je m’appliquais.
Cela dit, quand vint le temps des premiers salaires, je ne rechignais pas à garnir ma discothèque de 45 et 33 trs en bonne et due forme. Par centaines, itou. J’en prenais tout aussi soin que les copies K7, les protégeant jalousement du temps, de la pluie et de la rouille, à l’aide d’une pochette plastique.
Je me souviens que les maisons de disques, elles n’aimaient pas trop ça, les K7 vierges. Elles disaient que ça leur portait préjudice. Qu’elles perdaient de l’argent. Et leurs artistes, aussi.
Je me souviens que sur les K7, y’avait marqué Philips, Sony .. Tout comme sur les appareils permettant de faire des copies.
Un autre jour, quand j’étais grand, un samedi en pleine après-midi, mon domicile a été cambriolé. Ils ont tout pris. Du réveil-matin à la con à la chaine stéréo toute mini en passant par l’ordinateur à crédit. Tout, sauf un CD numéroté de Gérard Manset. Les cinq cents et quelques autres CD, ils les avaient emportés.
Toute cette musique que j’aimais, cette discothèque que patiemment je m’étais construite, envolée !
J’m’en voudrais, M. Lameignère, d’être bassement matérialiste, mais tout de même, y’en avait pour du pognon, et vous savez combien, ou plutôt à quel point, les assurances, le romantisme, c’est pas leur truc ; elles le remboursent pas, le romantisme, ces salopes  !
Alors, quand bien plus tard, j’appris que sur le Net, on pouvait télécharger de la musique, vous savez quoi, m’sieur Lameignère ?
Eh bien oui, j’ai voulu retrouver "ma" discothèque. Et je l’ai retrouvée. Ça m’a fait bizarre. J’étais comme un gosse de cinquième.
Mais j’ai pas tout repris. Le temps, comme la pluie, la rouille, étaient passés par là, et certains titres me plaisaient moins. Même, je les trouvais mauvais. Alors j’en gardais quoi ? Une centaine ! Une centaine sur, à vol d’oiseau, cinq mille.
2%, si vous préférez.
Ça fait pas bézef, n’est-ce pas ?
Mais ça donne une idée de ce que produit l’industrie du disque qui ne se moque absolument pas de nous.
Oh, je ne vous cache pas que j’allais bien au-delà de ma quête des albums disparus. Par le biais du peer-to-peer, j’en découvrais de nouveaux. Des raretés oubliées. Par vous. Des pépites introuvables en CD. Nonobstant, quand je tombais sur un album renversant, vous savez quoi, M. Lameignère ? - et pardonnez-moi de possiblement vous trouer le cul : je l’achetais ! Oui, Monsieur ! J’allais chez le marchand, et je filais de l’argent pour acquérir VOTRE produit. Et pour quelles raisons ? Parce que tout simplement, je le voulais, Monsieur, tant je le trouvais bon, beau, magique, essentiel.
Mais, entre vous et moi, ces albums-là, ne sont pas légion. Le gros de votre production se limitant à du savon à barbe. Alors, de grâce, n’abusez pas du mot : artiste. Ne l’utilisez pas à tout bout de champ. Comme un alibi. Ou un parapluie. Surtout en cette époque de “désastre culturel”.
Pour conclure, “cher” M. Lameignère, je voudrais vous dire que, quand on aime la musique, quand on l’aime vraiment, passionnément, croyez-vous qu’on puisse se contenter de l’écouter en mp3 ou mp4 (formats proposés sur le peer-to-peer) soit dans un son compressé, dégueulasse, immonde ?
La réponse est : non !
Quand on aime vraiment la musique, Monsieur, et quand bien même l’aurait-on téléchargée au préalable, on court l’acheter au supermarché du disque le plus proche, pour l’avoir, la posséder dans sa version sonore, pure, totale, pour en saisir, enfin, toutes les subtilités.
Encore faut-il, Monsieur, que la musique soit bonne.
Que ce soit l’œuvre d’un artiste, pas d’un camelot.
Or, des camelots, vous en avez des gratinés, dans votre catalogue, Monsieur ! Pour à peine, 2% d’artistes.
Ce ne sont pas les artistes qu’on pille, Monsieur Lameignère, apprenez-le, c’est votre opportunisme qu’on défroque.
Votre saloperie de savon à barbe.
Vos productions “à la petite semaine”.
Et basta !
Bonus track : à votre avis, M. Lameignère, pourquoi le groupe Radiohead (que vous rêviez de signer) a décidé de se passer de maison de disques ?
Petit indice chez vous : ce n’est absolument pas à cause des “pirates” …