C'était couru d'avance : le grime était fini, d'un côté écrasé par l'essor du dubstep et de la funky house, de l'autre menacé de désertion dans ces rangs mêmes. Le genre était au bout du rouleau, victime de son propre présupposé de départ, à savoir sortir le son le plus crade possible, produire l'arte povera hip hop hardcore du XXIe siècle à partir de beats tellement rachitiques que l'on s'inquiétait sérieusement des problèmes de malnutrition chez les prolétaires londoniens. Des beats et aussi des mcs, oscillant entre chronique de la désespérance urbaine et aspiration à faire du blé, mais strictement rien entre. Si la formule, on ne peut plus minimaliste, s'est révélée dans un premier temps époustouflante de rage trop longtemps retenue, cette dernière s'est rapidement transformée en pur crachat musical, ultime geste nihiliste avant extinction des feux.
Certes les plus talentueux ou les plus opportunistes sont sortis de cette poche de pauvreté musicale et se la jouent désormais nouveaux riches (Dizzee Rascal, encore, dans son dernier clip Holiday, aïe) mais la plupart des protagonistes grime jouent encore aux gangstas de seconde zone sur des mixtapes ou des street albums confidentiels. C'est justement grâce à l'écoute de l'un d'eux, un mix de DJ Magic pour le label No Hats No Hoods que l'on se dit que le genre n'a peut-être pas encore les glandes salivaires totalement asséchées. Le casting se lit comme un all-stars grimey (Skepta, Wiley, Kano, Ruff Squad, Trim) et le moins que l'on puisse dire, c'est que chacun a donné le meilleur de lui-même, y compris les quelques newcomers recensés, comme Wariko. Les mcs ont retrouvé la gnaque mais surtout le sempiternel track 8-bar n'est visiblement plus le seul modèle disponible en stock, même si pour cela il a fallu piller quelques morceaux pas rancuniers sur les droits d'auteur. Cela tombe à pic, l'époque semble réclamer le retour d'une saine colère renouvelée.
Wariko - My Way
Black The Ripper - Best in The The Scene (Mix)
Extraits de DJ Magic - No Hats No Hoods Edition 1 (No Hats No Hoods / 2009). En vente ici.