22 septembre 2009
Mister Mystère
Fin de la séquence Soldat rose, bienvenue chez M le maudit. On
rigolerait du virage au noir expressionniste de la pochette, à la
symbolique un peu épaisse, si Matthieu Chédid ne s’était tenu qu’à des
ravalements de façade sans toucher au gros oeuvre. Le grand chantier Mister Mystère
(album, bonus en ligne, DVD) ressemble à celui d’une reconstruction
intégrale, sans reniement mais sans pitié non plus pour l’ancien
amuseur démaquillé à l’acide, dépouillé comme un lapin de sa panoplie
chamallow et coupé de son imaginaire puéril de Hendrix taille
Playmobil.
Un titre jadis lové dans la Libido de Brigitte Fontaine, Mister Mystère,
réapparaît ici aux avant-postes d’un quatrième album qui doit beaucoup
à cette marraine un peu succube et experte en dépucelage textuel,
frappant ici huit fois dans le M(ille), initiant son filleul aux
plaisirs du fiel et aux sens interdits. Entendre le doux rêveur
Matthieu chanter des saletés à base de gaule (sur le vertigineux Tanagra),
c’est comme apprendre que Casimir pratique le bukkake, ça fiche un
sacré coup. Mais, audelà de la prose épineuse de la soldate rosse de
l’île Saint-Louis, c’est musicalement et vocalement que Matthieu Chédid
a le plus progressé.
Sa voix parvient à attraper des nuances
de blanc médicamenteux et de rouge sanguin qui changent du rose pâle de
fausset qui lui servait d’organe sur les précédents. Il a également eu
la bonne idée de couper le siphon aux guitares ligne Sinclair, leur
substituant des formes instrumentales à la fois simples et savantes,
peu chargées en apparence mais dévoilant à l’usage une virtuosité pop
au groove subtil (Le Roi des ombres) et une suavité mélodique presque californienne. Témoin L’Elixir,
qui évoque de façon troublante, voix comprise, le joli style du surdoué
Albin de la Simone, son pote honteusement cloîtré dans l’anonymat, tout
comme les Mathieu Boogaerts ou Franck Monnet dont l’influence est ici
évidente (Semaine, Phébus).
Chef de file de
cette famille éparpillée, Chédid était jusqu’ici le plus malingre
artistiquement. Il vient d’un seul coup de prendre de l’étoffe, du
coffre, un sexe, une identité, peutêtre même un énorme risque vis-à-vis
d’un grand public globalement hostile au changement. Mais, comme le lui
fait dire en morale de l’histoire la fabuleuse Fontaine sur Destroy : “Au matin renaît, des cendres le diamant.”