Je n'ai aucun critère dans le choix d'un livre. Aucune directive ne me guide vers tel bouquin plutôt que vers tel autre. Le hasard est ma seule nécessité. Aucun éditeur pour me contraindre à parler de tel ou tel navet pour les besoins libéraux d'une entreprise prenant le livre pour un objet et l'objet pour de la littérature ou de la philosophie. Parfois c'est bien, voire très bien, et cela me rend heureux. Souvent, c'est très mauvais et cela me met en rage. C'est pour cela que je préfère le terme de chronique à celui de critique. Critique de quoi ?
Quand je file dans mon grenier, je cherche un peu de quiétude et le plaisir solitaire du silence qui m'entoure, à l'écart des doigtés politicards des uns, loin du propos raciste des autres et de cette obscénité qui pourrit la vie des sociétés.
Sentir l'odeur indéfinissable du papier qui dort. Entendre le bruit d'une respiration apaisée et me demander quel phénomène est à l'origine de ma présence dans cet espace à la fois minuscule et immense. Cela est pour moi la source d'un plaisir dont je revendique le besoin. Qu'on le veuille ou non, une bibliothèque est aussi vaste que l'univers et aussi discrète que les choses qu'on ignore. Quand Rémi Zetwal a appris que j'allais toucher un mot sur Georges Perros, il s'est dépêché de me proposer un titre de sa bibliothèque, soulignant de sa voix usée par des plaisirs iconoclastes : “tu le lis et tu me le renvoies.” Ma réponse est toujours la même : “Évidemment ! Tu me connais.” C'est ainsi que je me retrouve avec tout un rayon de bibliothèque rempli de livres de l'ami nazairien.